Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/279

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notre tableau, tout à la fois sous les traits d’une femme qui meurt et comme une ombre qui s’éloigne de la terre. Sémélé sera reçue dans le ciel par les Muses, dit Philostrate ; ces paroles ne nous autorisent point à croire que les Muses étaient représentées dans ce tableau. Notre auteur s’est rappelé sans doute que les Muses avaient chanté au mariage de Cadmos avec Har- monie, la fille d’Arès et d’Aphrodite ; il était naturel de penser qu’elles avaient dù accueillir au ciel, Sémélé, née de cette union, et d’ailleurs aimée de Jupiter. Philostrate, non content de décrire la scène qu’il à sous les yeux, voit en imagination celle qui doit suivre, mais que l’artiste n’aurait pu représenter, sans nous montrer Sémélé une troisième fois et compliquer singulièrement la composition de son tableau.

Le mont Cithéron n’était point, dans la réalité, situé tout près de Thèbes, mais rien n’empêchait l’artiste de nous le faire voir, soit qu’il l’eût placé dans le lointain, soit qu’usant d’un privilège, toujours accordé à l’art, il eût rapproché les distances. Cette montagne joue un rôle important dans l’his- toire fabuleuse de Thèbes et de Dionysos ; l’idée d’en faire le fond d’un tableau qui représentait la naissance du dieu, devait venir naturellement à l’esprit de l’artiste. Le Cilhéron était personnifié par un génie, mis sans doute sur un rocher, comme le génie du mont Olympe, dans la chute de Phaéthon (1) ou le génie du mont Latmos dans les amours d’Endymion et de Sémélé (2). Sa place n’est point indiquée par Philostrate ; dans les bas- reliefs antiques, que nous possédons, ces sorles de génies occupent tantôt un côté, tantôt le centre de la composilion : les artistes ne paraissent avoir obéi, sur se point, qu’à des préoccupations de symétrie et d’ordonnance pittoresques. Iei nous avons à placer deux autres personnages sur le Cithé- ron, Pan et Mégæra ; si le Cithéron n’eût été qu’une simple personnification, indiquant le lieu de la scène, nous l’aurions relégué volontiers à droite ou à gauche du tableau ; mais il joue un rôle actif ; il est couronné de lierre en signe de joie ; et sa couronne s’échappe de sa tête, en signe de deuil ; plaçons-le donc, au milieu même de la partie visible de la montagne, entre Pan qui danse en l’honneur de Bacchus et Mégæra, dont la présence ici annonce de terribles événements.

Quant au dieu Pan, qui dansait sur le Cithéron, l’imagination se le re- présente sans peine, à défaut de description. C’était le dieu aux jambes ve- lues, aux pieds de bouc, au front muni de cornes, quenousrencontrons par- tout, sur les bas-reliefs et dans les peintures de murs ou de vases. Sa présence d’ailleurs ne saurait nous étonner : Pan est associé à Dionysos par les artistes etles poètes. « Bacchus ne peut faire un pas sans moi, dit-il dans Lucien ; il m’a choisi pour ami et compagnon de ses danses, et j’en conduis les chœurs (3). » Dans l’expédition du dieu contre les peuples de

{1) Bas-relief du Louvre ; Frôhner, Notice de la sculpt. antiq., n° 425.

(2) Bas-relief du Louvre, ibid, n° 42 (3) Lucien, Dialogues des dieux, 2 ?, 3.