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la virent pas ! Dans une peinture d’Herculanum[1], Ariadne, à son réveil, suit des yeux le navire de Thésée qui gagne la haute mer : un homme assis sur le tillac montre aux matelots la direction à suivre. Est-ce Thésée ? on peut le croire, et si la conjecture est vraie, ce Thésée ressemble assez à celui que décrit Philostrate. Dans une autre peinture[2], les personnages qui montent le navire fugitif sont en assez grand nombre, et si Thésée est parmi eux, il est assez difficile de le distinguer ; les uns regardent la proue, les autres la poupe[3]. La critique adressée à l’attitude de Thésée n’est donc ni juste en elle-même, ni bien justifiée par les habitudes de l’art antique.

En résumé, le tableau de Philostrate est très bien composé pour l’intelligence du sujet et le plaisir des yeux. Il est plus simple que beaucoup de compositions analogues ; plus complexe que d’autres ; tous les détails, du moins ceux dont Philostrate a parlé concordent avec la pensée principale. Si l’expression et le dessin répondaient au reste, le tableau décrit par Philostrate ne devait point être une œuvre médiocre.



XV

Pasiphaé.


Éprise d’un taureau, Pasiphaé a demandé au génie de Dédale les moyens de fléchir la bête, et Dédale fabrique une génisse creuse semblable de tous points à une vraie génisse, compagne habituelle du taureau. L’union fut accomplie, comme le prouve le Minotaure, cet assemblage monstrueux de deux natures différentes, mais ce n’est point cette union que l’artiste a représentée ici, c’est l’atelier même de Dédale. Autour de lui sont rangées des figures, les unes ébauchées, les autres achevées, ces dernières avec des jambes séparées qui permettent de marcher, c’est là un progrès dont l’art de la statuaire, avant Dédale, ne s’était point avisé. Dédale est un véritable Athénien ; cela se voit à l’air du visage qui révèle une science profonde, à l’expression réfléchie du regard ; cela se voit aussi au costume, car non seulement il est enveloppé dans un manteau brun, mais il est représenté pieds nus ; chez les Athéniens, cette simplicité est une parure. Il s’est assis pour mieux façonner la génisse et se fait aider, dans son travail, par les Amours, car il ne saurait se passer tout à fait d’Aphrodite. Tu les reconnais sans peine, mon enfant ; les uns manient le vilebrequin, les autres, par Jupiter, polissent avec l’herminette les endroits encore mal dégrossis de la génisse, les

  1. A. d’H., H, P. 91 ; Roux et Barré, II, 34.
  2. A. d’H. V. P., 117 ; Roux et Barré, II, 35.
  3. Dans une autre composition analogue (Museo Borb., II, P. 62 ; Roux et Barré, II, p. 106) on voit le navire, mais aucun homme sur le pont.