Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/300

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ditisque nota signatus Alastor,

et quelle peut èlre cette livrée, sinon Ja robe noire (1)? Une peinture fu- nèbre, découverte dans une tombe de la montagne de Mithridate, représente l'enlèvement de Koré; le char est rouge ; les roues sont bleuâtres ; les che- vaux de Hadès sont bruns (2). Les chevaux de Pélops hennissaient avec dou- ceur; c'est l'habitude des anciens de nous montrer les chevaux doués des mêmes qualités que leurs maîtres, sensibles à la gloire, capables de joie ou de tristesse. Dans Virgile, Æthon pleure aux funérailles de Pallas (3); dans Claudien, les chevaux de Pluton, attelés la veille pour l'enlèvement de Pro- serpine, font entendre de sinistres frémissements d'impatience :

Sævumque fremebant Crastina venturæ spectantes gaudia predæ (4).

Mais comment, en peinture, donner à des chevaux un hennissement doux ou féroce, triste ou joyeux ? Ne nous montrons pas ici d’une sévérité outrée pour Philostrate ; le son ne peut se peindre ; mais l’imagination supplée ai- sément à cette impuissance du pinceau. Il faut être bien froid pour se re- fuser, devant une œuvre accomplie, à cette espèce d’illusion, sur laquelle l'art a droit de compter. On serait presque tenté, en décrivant le vase d'Ar- chémore, de se servir des mêmes termes que Philostrate ; les deux chevaux attelés au char de Pélops sont couronnés par la Victoire; mais on n'aurait pas besoin de cette intervention d'une déesse pour deviner qu'ils sont victo- rieux; l’un d’eux surtout relève si fièrement la tête qu’il semble avoir cons- cience de son rôle et de son succès. Un Grec plus enthousiaste que nous les aurait entendus hennir.

Le char de Pélops courait sur les flots sans mouiller ses essieux. C’est au poète que Philostrate emprunte ce détail que la peinture ne saurait rendre. Les artisles avaient cependant imaginé un moyen pour donner au specta- teur l'idée d'une vitesse et d'une légèreté merveilleuses. Les chevaux de Pélops élaient ailés sur le coffre de Gypsélos (3); ils le sont également sur une cornaline antique, conservée à la Bibliothèque nationale (6); les ailes manquent sur les bas-reliefs et dans les peintures de vases qui représentent le même sujet; elles manquaient aussi probablement dans le tableau de Philostrate. Du moins le texte de l'auteur permet de supposer qu'entre les chevaux d'OEnomaos el ceux de Pélops il n’y avait qu'une différence de

(1) Claudien, De R. Pros, 1, 282. (2) Stephani, compte rendu de la comm. archéol. de Saint-Pétersbourg, 1868, p. 115. (8) Æn., IX, 80.

(à) De Rapt. Pros., I, 285.

(5) Pausan., V, 18, 7.

(6) Ghabouillet, catal., n° 1790.