Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/304

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d'Olympie, une statue d'Hippodamie, en airain, placée à l'une des bornes, tenait une bandelette comme pour couronner le vainqueur (4) : c'était là une attitude qui convenait parfaitement à une statue isolée de la fiancée de Pé- lops; la bandelette, prix de la course, était bien placée entre les mains de la femme, qui rappelait l'institution des jeux Olympiques et qui avait été elle- même l'enjeu d'une des luttes les plus mémorables de l'antiquité; mais le peintre, représentant tous les personnages qui avaient pris part à la scène, avait eu raison de nous montrer Hippodamie tout entière à son amour, et de confier au fleuve le soin de couronner le favori de Poseidon.

Les lombeaux des prétendants n'étaient point placés dans l'hippodrome même d'Olympie. Pausanias les vit non loin de cette ville : l'un, celui de Marmax, le premier qui fut tué, sur les bords du fleuve Parthénia ; l'autre, à quelque distance d'Harpina, ville fondée par OEnomaos (2). L'artiste n’a fait qu’user de son droit en les transportant dans l'arène elle-même. D'ailleurs, il y avait aussi des tombeaux et des autels dans l'hippodrome même, et Pausa- nias (3), parlant d’un monument élevé à un certain Taraxippe, auprès duquel les chevaux étaient soudainement saisis de frayeur, ne sait point trop si ce n’est pointle tombeau d’Alcathoos, un des prétendants dont l'ombre ven- geresse errait encore dans le stade pour épouvanter les coureurs. D'autres affirmaient, il est vrai, que cette ombre était celle d'OEnomaos ou de Myrtilos quitous les deux avaient été inhumés en ce lieu par Pélops. Quoi qu'il en soit, cette légende de Taraxippe nous montre les morts alteniifs aux actions des vivants; nous ne serons donc pas étonnés de lire dans Philostrate que les prétendants ressentent dans la tombe la joie d'être vengés, et que la terre leur tresse une couronne pour les associer plus pleinement à la victoire de Pélops. Ce n'est point là une idée subtile ou déclamatoire qu'il faille repro- cher à l'artiste ou au rhéteur; elle est conforme aux croyances de la Grèce. D'ailleurs la présence du tombeau était sans doute destinée, dans l'esprit du peintre, à rendre la scène à la fois plus claire et plus saisissante; nous ne retrouvons pas ce tombeau sur les monuments analogues qui nous sont par- venus; mais sur telle peinture, représentant le sacrifice qui précèdela course des chars, les têtes coupées de deux prétendants, le bonnet etl'épée d'un autre, sont appendus comme à un mur de fond, au-dessus des personnages (4), et sur tel bas-relief (5) les prétendants encore gisants dans l'arène sont foulés aux pieds par les chevaux d'OEnomaos etde Pélops; tantil est vrai que dans la représentation d'une pareille scène, il était naturel de rappeler d’une façon ou d'une autre les meurtres dont le mème lieu avait été le théâtre!


(1) Pausan., VI, 20, 19. id. VI, 8, 21, 7.

(8) Id., VE, 20, 16 et 17.

{4) Vase de Ruvo décrit par Ritschl.

(5) Sarcophage romain, Ritschl, Opuse. 1, 815.