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connaissent Chloris et le Zéphyre ; selon d’autres, Ariadne endormie est charmée par un songe que personnifie le génie ailé. Il nous semble difficile de ne pas voir un amant dans ce jeune homme que deux amours conduisent et qui regarde une jeune femme couchée avec une telle expression de tendresse ; nous n’oserions décider si c’est Chloris qui dort et si c’est le Zéphyre qui s’approche, mais il nous semble qu’on peut sans trop d’invraisemblance se figurer le Zéphyre de la galerie napolitaine sous les traits de ce génie pompéien. Comme le Zéphyre de Philostrate, il a un air presque féminin ; il n’est pas couronné de fleurs mais il tient une couronne à la main. Placez-le sur une hauteur comme ces figures qui dominent la scène principale, dans les peintures anciennes : à la tendresse peinte sur son visage substituez un sourire ironique, une expression de joie railleuse, et vous croirez voir le Zéphyre décrit par Philosirate dans le tableau d’Hyacinthe.


XXIV

Les Andriens.


Les Andriens enivrés par le fleuve de vin qui traverse leur île, tel est le sujet de cette peinture. C’est Dionysos qui pour les Andriens a fait jaillir du sein de la terre ce véritable fleuve, petit en comparaison de nos rivières, divin et considérable, si vous pensez qu’il roule des flots de vin. Celui qui y puise peut mépriser le Nil et l’Ister, et dire qu’ils vaudraient mieux, si moins importants qu’ils ne le sont, ils étaient semblables à celui-ci. Et voilà sans doute ce que chantent les Andriens, avec leurs femmes et leurs enfants, tous couronnés de lierre et de smilax, les uns dansant, les autres couchés sur l’une et l’autre rive. J’imagine les entendre : l’Achéloos, disent-ils, produit des roseaux ; le Pénée arrose des vallées verdoyantes, les fleurs croissent sur les bords du Pactole, mais ce fleuve enrichit les hommes, les rend puissants sur la place publique, riches et serviables envers leurs amis, leur donne la beauté, et fussent-ils des nains, une taille de quatre coudées ; car tous ces avantages, celui qui s’est enivré ici, peut les réunir, s’en parer en imagination. Ils chantent aussi sans doute que seul d’entre les fleuves celui-ci n’est point franchi par les troupeaux et les chevaux, que, versé des mains mêmes de Dionysos, il est bu dans toute sa pureté, ne coulant que pour les hommes. Imagine-toi entendre cet hymne, et aussi le balbutiement de quelques chanteurs avinés. Voici maintenant ce qui se voit. Couché sur un lit de grappes de raisin, le teint empourpré et le visage un peu bouffi, le fleuve répand ses eaux ; des thyrses ont poussé près de lui, comme les roseaux dans les fleuves ordinaires. Au moment où il quitte la terre et les banquets dont il est témoin, vers l’embouchure, les Tri-