Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/336

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

yeux un jeune homme beaucoup plus robuste. Le texte de Philostrate ne nous paraît pas autoriser tout à fait un semblable raisonnement ; Hyacinthe n’y est point représenté comme un jeune homme complètement formé ; il est bien dit qu’il élait exercé à la course, mais les Grecs se livraient, dès l’age le plus tendre, à tous les exercices de la palestre ; les bras sont déjà vigou- reux, dit Philostrate, mais quoi ? l’observation du sophiste ne prouve-t-elle pas que la vigueur l’élonnait, en raison même de la jeunesse du personnage ? Remarquons aussi que Pausanias a pu se servir d’une expression un peu forcée ; il ne décrit pas en effet le tableau de Nicias ; il n’en parle qu’à propos d’une autre œuvre d’art où Hyacinthe porté au ciel par Athénà et Arlémis avait déjà, dit-il, de la barbe au menton. Quand on compare pour signaler une différence, il peut arriver que la différence soit exagérée. Nous ne préten- dons pas d’ailleurs que la peinture de la galerie napolitaine fût une copie d’après Nicias ; il nous semble même que tous les tableaux décrits par Phi- lostrate, offrent dans leur composition des traits nouveaux et singuliers qui ne permettent pas de croire à une reproduction complète de quelque œuvre bien connue ; mais il ne nous paraît pas non plus qu’il y ait ici à signaler une différence d’âge entre l’Hyacinthe admiré par Auguste et celui que Philostrate décrit avec complaisance.

L’attitude d’Apollon est faite un peu pour nous étonner. On peut se deman- der pourquoi le dieu ne se précipite pas vers le jeune homme qu’il a blessé, pourquoi il ne le relève pas, pourquoi mème en supposant qu’il se sache im- puissant à le rappeler à la vie, il ne lui prodigue pas ses secours ? Un peintre moderne n’aurait pas manqué, croyons-nous, de concevoir ainsi le sujet. L’art antique recherche moins les effets que la passion violente et le mouy ment peuvent donner ; que l’on considère par exemple l’expression et l’atti- tude d’Aphrodite dans les peintures campaniennes qui représentent la mort d’Adonis ; non seulement la déesse est calme, mais elle semble inattentive et sans prévenance ; est-ce bien là une femme, est-ce bien là une amante, pourrait penser un spectateur moderne ? Des Amours, il est vrai, s’empressent autour du moribond et bandent la plaie ; mais leur activité ne fait que mieux ressortir l’entière inaction d’Aphrodite. La douleur ne se trahit que par un lé- ger assombrissement du visage. Apollon restait aussi immobile dans notre ta- bleau ; mais l’expression de sa douleur paraît avait élé assez marquée, à en juger par les termes dont se sert Philostrate. Il faut bien reconnaître d’ail- leurs que cette immobilité et cette stupeur pouvaient avoir leur beauté.

Un troisième personnage se mêle à la scène. Le Zéphyre n’a été reconnu sûrement que sur la Tour des Vents à Athènes. Une peinture de la maison de Cérès à Pompéi (1), représente un jeune homme nu, avec des ailes aux épaules et de petites plumes sur le front qui s’abat doucement, soutenu par deux Amours, vers une jeune femme endormie. La plupart des archéologues re-


(1) Souvent reproduite. Voir Müller-Wieseler, D. d. alt. Kunst. 1, 124.