Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/343

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manteau, que l’on peut prendre, avec beaucoup de bonne volonté, pour la couverture de son berceau. Ailleurs, sur des bas-reliefs (1), Hermès enfant nous apparaît demi-vêtu ; il se défend devant Zeus d’avoir dérobé les bœufs d’Apollon. Faut-il en conclure que l’Hermès de Philostrate était ainsi représenté ? nous n’oserions l’affirmer. Dans les compositions où Hermès est seul, la couverture et les langes en rappelant la légende, indiquent claire- ment l’intention friponne du jeune dieu ; mais ici tout est clair, sans langes ni couverture, puisque le dieu, dont on voit le berceau chasse lui-même les génisses vers une cavité de la montagne. L’artifice employé par les artistes qui on ! gravé des gemmes ou modelé des terres cuites eût été inutile au peintre.

On sait que cette légende est le sujet d’un des hymnes homériques. Il est curieux de voir comment le peintre a modifié la légende pour composer son tableau. Selon le poète, Hermès naît de Maia dans une grotte du mont Cyllène, à peine a-L-il été baigné et enveloppé de langes par les Nymphes, qu’il sort de son berceau ; il découvre une écaille de tortue et en fait une lyre ; revient à son berceau et cache la lyre dans les langes ; puis le voilà qui se remet en route ; il arrive en Piérie, au pied du mont Olympe, où pais- saient les troupeaux d’Apollon ; il emmène avec lui quinze génisses, il tra- verse la Thessalie et la Béotie où il rencontre Battos, l’espion, le pâtre bavard, qui le surprit et le trahit ; cette expédition avait duré toute la nuit ; au point du jour Hermès avec son butin atteint Pylos près de l’Alphée, et cache les génisses dans une cavité ; puis retourne sur le mont Cyllène, rentre dans son berceau, à l’insu de sa mère et des Nymphes, et s’enveloppe dans ses langes, la lyre à la main en guise de hochel. Averti par Battos, Apollon court au mont Cyllène ; il menace ; Hermès ment avec tant d’effronterie et d’ha- bileté que le dieu malgré son courroux ne peut s’empêcher de rire. Apollon veut l’arracher de son berceau ; il se défend avec tant d’énergie qu’il échappe aux mains de son frère. Tous deux se rendent près de Jupiter qui termine le débat. Selon Alcée (2), à qui Horace devait emprunter plus tard ce détail, Hermès au moment même où Apollon éclatait en menaces, lui aurait dérobé ses flèches. De toute cette légende le peintre n’a pris que deux scènes ; elles avaient lieu l’une aux bords de l’Alphée, l’autre sur le mont Gyllène ; le peintre les rapproche et conserve ainsi l’unité de lieu ; tout se passe sur le sommet et au pied d’une mème montagne, l’Olympe, du moins suivant Philostrate qui a bien pu d’ailleurs se tromper ici sur l’intention du peintre. Les bœufs d’Apollon paissaient, il est vrai, près du mont Olympe ; mais c’est sur le mont Cyllène que les poètes font naître Hermès. La lyre était

statue du palais Spada (Braun, 2° déc. des marbres antiques) et sur cette statue Feuerbach, Kunsgeseh. AbR.. p. 42.

{1) Braun, Ant. Marmorw. Déc. 2, 1. I.

(2) Pausan., 7, 20, 2. Horace, Od., I, 10.