Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/345

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bandon ; il porte une robe blanche sur une noire ; c’est que la nuit et le jour lui appartiennent. Il a une corne entre ses mains pour montrer qu’il introduit les songes par la porte de vérité.



Commentaire.


Les sept chefs assiégeaient Thèbes ; Étéocle et Polynice venaient de tomber frappés l’un par l’autre ; le combat entre les Thébains et les assiégeants, un moment suspendu par le duel des frères, avait repris avec un nouvel acharnement, lorsque Jupiter envoya une terreur panique à l’armée argienne, qui prit la fuite en désordre. Le Thébain Périklyménos s’attacha à la poursuite d’Amphiaraos qui monté sur son char et accompagné de son écuyer, poussait ses chevaux dans la direction d’Orope ; le devin était sur le point d’être atteint, mais Jupiter lançant la foudre, ouvrit la terre, qui engloutit les deux héros avec l’attelage. Plus tard les Grecs élevèrent à Orope, près de la mer, sur la frontière de l’Attique et de la Béotie un temple à Amphiaraos qui y était honoré comme un dieu et consulté comme un oracle[1].

Le peintre de notre tableau voulant caractériser le lieu de la scène, avait représenté la ville d’Orope sous la figure d’un jeune homme ; ce personnage, dans la pensée de l’artiste, était-il la ville elle-même, ou Orope, fils de Lycaon qui avait fondé la ville ? La première supposition paraît plus vraisemblable. C’était un usage parmi les anciens de personnifier les contrées, les villes, les montagnes : le fameux Ialysos que Protogène mit sept ans à peindre, suivant la tradition, et qui, avant d’être exposé à Rome dans le temple de la Paix, attirait à Rhodes les Grecs et les Romains, n’était sans doute autre que la cité d’Ialysos elle-même, une des trois villes de cette île célèbre[2]. Des femmes au vêtement azuré accompagnaient Orope ; Philostrate les appelle Thalattai, c’est-à-dire les mers. Pourquoi plusieurs figures pour représenter la mer qui baignait les côtes de l’Attique ? Peut-être parce que cette mer baignait aussi celles de Béotie ; c’étaient alors deux mers différentes et chacune méritait d’être personnifiée. Peut-être aussi les poètes et les artistes ont-ils multiplié les Thalattai par la même raison qu’ils ont compté tant de Néréides ; l’imagination s’est représenté d’abord ces êtres comme des personnifications d’une ou de plusieurs mers en particulier ; puis abandonnant l’abstraction, elle en a fait des habitants de la mer ; or des habitants doivent peupler, c’est-à-dire être nombreux. Les Thalattai se remarquaient sans doute assez souvent dans les tableaux des peintres anciens ; une peinture d’Herculanum dont le sujet est Persée délivrant Andromède nous montre une figure de femme vêtue d’un chiton violet qui regarde le

  1. Pind., Ném., 9, 25 ; Pausan., IX, 8, 2 ; 9, 1.
  2. Ælien, Var. Hist., XII, 20. — Strabon, XIV, 652.