Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/346

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monstre et tend les deux mains, c’est avec raison, ce semble, que les ar- chéologues ont nommé ce personnage une Zhalatta (4) ; ailleurs une 7’halatta, debout sur le rivage et vètue également de violet, étend les mains vers Phryxos, qui traverse les flots, assis sur un bélier (2). Mais si Philostrate a reconnu des Zhalattai dans ces deux femmes, c’est moins sans doute à cause de leur manteau aux couleurs chatoyantes que parce que la peinture offrait aux regards tout près d’elles le rivage même de Béotie, et un coin de mer.

Philostrate nous parle de la terre qui s’entr’ouvre, et aussi d’un sanc- tuaire où médite Amphiaraos. Par ce sanctuaire, il ne faut pas sans doute entendre le temple élevé près d’Orope à Amphiaraos, mais une grotte, une excavation naturelle dans le flanc d’une montagne ; on y voyait deux portes, les portes des songes. Le vêtement blanc de la Vérité ne saurait nous étonner, c’est le vètement des prêtresses, et la Vérité est comme la prètresse d’Amphiaraos ; c’est le vêtement qui lui convient le mieux, quand elle n’est pas nue. Comment Apelle l’avait-il représentée dans son tableau de la Calomnie ? Nue peut-être, comme Raphaël en recomposant ce tableau ; mais il avait donné un vêtement noir au Æepentir, ce qui nous oblige, pour le contraste, à la croire vêtue de blanc, si nous supposons qu’elle n’était pas nue, La nudité, c’est l’absence de toute coquetterie ; la blancheur, c’est l’ab- sence de toute tache ; ces deux états semblent naturels chez la Vérité, qui doit haïr la parure comme une hypocrisie, et craindre l’apparence du men- songe comme une souillure.

Le Rève avait naturellement sa place dans un antre où se pratiquait l’onei- romancie. Le sanctuaire d’Amphiaraos n’avait rien à envier sur ce point au sanctuaire d’Esculape ; Pausanias raconte que visitant à Sicyone deux bâti- ments élevés dans le péribole de ce temple, il vit dans le premier la statue couchée du Sommeil et dans le second la statue d’Oneiros accompagnée de celle du Sommeil qui endormait un lion (3). Ge passage important doit nous empècher de tomber dans l’erreur de plusieurs commentateurs qui ont con- fondu Oneiros avec le Sommeil ; ce sont là deux divinités, dont les attributs étaient sans doute à peu près les mêmes, mais que cependant l’art et la mythologie savaient au besoin distinguer l’une de l’autre. Nulle part d’ail- leurs, ni Oneiros ou le Rêve, ni Hypnos le Sommeil, ne nous apparaissent, comme en ce tableau, vètus à la fois de blanc et de noir. Est-ce donc là une singularité qui doive nous surprendre et nous inspirer des doutes sur l’au- thenticité du tableau ? Nous ferons remarquer d’abord que si l’art grec s’est jamais montré inventif et varié, c’est surtout dans la représentation du Sommeil, et des divinités qui ont d’étroits rapports avec lui, comme le Rève

(1) Helbig, Wandg, n° 1184. (2) Ibid, n° 1958. (8) Pausan., I, X, 2.