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fait remarquer Philostrate, c’était là peut-être un effet dû en partie au contraste. D’ailleurs, les nègres ne sont point dénués d’un certain charme[1] ; ils nous intéressent à la fois comme semblables à nous et différents de nous ; nous aimons particulièrement leur sourire, qui est au physique comme leur certificat d’humanité, et qui pourtant, par un air étrange, légèrement farouche, les distingue des hommes de race blanche. Tout cela nous paraît avoir été bien senti et bien observé par Philostrate. Nous ajouterons enfin, que soit tradition dans l’art, soit souvenir d’Euripide, les Éthiopiens ont dû figurer quelquefois à côté de Persée, sur les monuments ; on connaît du moins un vase qui réunit ainsi notre héros et ces hommes d’une autre contrée : c’est une hydrie du Musée britannique[2] ; dans le jeune homme vêtu d’un manteau oriental et coiffé de la cidaris, les archéologues reconnaissent Persée ; deux personnages se tiennent à ses côtés ; ils ont le nez écrasé, les lèvres épaisses, les cheveux crêpus ; ne sont-ce pas là nos Éthiopiens du tableau de Philostrate[3] ?



XXIX

Pélops.


Des vêtements somptueux, le costume lydien, un jeune homme dans l’âge du premier duvet, Poseidon souriant à ce jeune homme, et lui faisant don de chevaux superbes, tout nous fait reconnaître Pélops le Lydien, venu vers la mer pour appeler la colère de Poseidon contre Œnomaos. Ce prince ne voulant point de gendre, comme on sait, faisait périr tous les prétendants d’Hippodamie ; puis, à la manière des chasseurs qui ont pris des bêtes sauvages, se composait un trophée avec la tête, les mains et les pieds de ses victimes. Pélops a prié : et voilà qu’il voit sortir des flots un char en or, traîné par des chevaux de terre ferme, mais capables de traverser la mer Égée sans mouiller l’essieu et d’une course rapide. Pélops parcourra la carrière avec succès, mais voyons avec quel succès le peintre a parcouru la sienne. Ce n’est point, en effet, pour l’artiste une petite entreprise que d’atteler quatre chevaux à un char, de manière à laisser voir toutes les jambes sans qu’il y ait confusion ; de les montrer à la fois impétueux et dociles au frein, de représenter l’un impatient de partir, l’autre trépignant, pendant qu’un troisième se laisse manier, et que le quatrième, fier de porter un si beau

  1. La plus jeune fille du roi Christophe, très instruite et fort jolie, est morte à Pise ; sa beauté d’ébène repose libre sous les portiques du Campo Santo, loin du champ des cannes et des mangliers à l’ombre desquels elle était née esclave (Châteaubr., Mém. d’Outre-Tombe, VI, p. 99).
  2. Ann. dell’ Inst., 1844, 111. Cf. L’article de Trendelenburg, Ann., 1872, 108.
  3. Pour les autres monuments relatifs au mythe d’Andromède et Persée voir Arch. Zeit., 1862 (art de Fedde), Annali dell’ Inst., 1872, et Bullet., 1836.