Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/364

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costume lydien devaient faire ressortir la blancheur de l’épaule, seule partie visible de tout le corps ; quoi d’étonnant, si Philostrate a exagéré l’éclat de cette épaule, et s’il a interprété subtilement un effet qui résultait du jeu même des couleurs juxtaposées ?

Poseidon était nu ; sans doute il montrait son présent dont il expliquait Li e. Peut-être tenait-il, dans sa main restée libre, le trident, son attribut ordinaire.

Philostrate remarque que les chevaux attelés au char n’étaient point des chevaux marins. Ce détail méritait à peine d’être relevé, selon l’observation de Welcker : en effet à quoi des chevaux marins, qui se terminent en queue de poisson et dont les pattes ressemblent à des nageoires, auraient-ils servi à Pélops pour vaincre les célèbres cavales d’Œnomaos ? Philostrate, selon Welcker, confond ici deux traditions, celle d’après laquelle Pélops aurait reçu dans le Péloponèse le quadrige divin, et une autre d’après laquelle il aurait été transporté d’Asie en Grèce par les chevaux marins de Poseidon. Il nous semble qu’à son tour Welcker fait une supposition inutile ; les chevaux don- nés par Poseidon, à moins d’être sortis de terre, n’ont pu arriver dans le Péloponèse qu’en traversant les flots ; et ce qui n’a rien d’étonnant de la part de chevaux marins est un prodige de la part de chevaux conformés pour courir dans le stade d’Olympie. La réflexion de Philostrate n’avait pas d’autre portée dans son esprit. Les chevaux n’étaient point ailés : d’après Welcker, l’art des Grecs, dans sa période florissante, étail trop soucieux de vérité pour oser représenter des chevaux avec des ailes. Cette opinion nous semble ha- sardée ; sur le coffre de Cypsélos, conçu, il est vrai, dans un style archaïque, les chevaux de Pélops avaient des ailes ; ils en ont également sur un scarabée de cornaline, conservé à la Bibliothèque nationale (1). En outre, les tableaux de Philostrate n’appartiennent certainement pas à la belle époque de l’art grec ; et sans doute, des audaces qui auraient passé pour téméraires au temps d’Aristide et d’Apelle, semblaient légitimes au temps d’Aristodème de Carie, ce peintre que Philostrate avait fréquenté. Toutefois nous ne croyons pas que dans notre tableau, le peintre eût donné des ailes aux chevaux ou au char de Pélops ; mais nous le concluons plutôt du silence du sophiste à cet égard que des habitudes de l’art. Philostrate qui vante ces chevaux pour avoir traversé les mers sans mouiller l’essieu du char, aurait-il oublié de voir ou de mentionner un détail, qui, merveilleux par lui-même, expliquait du moins le prodige qu’il admire !

Philostrate loue en outre le peintre d’avoir représenté sans confusion les jambes des quatre chevaux. C’est là un mérite assez fréquent dans les œuvres de l’art grec. Pour n’en citer qu’un exemple, le bas-relief d’Orope qui repré- sente Amphiaraos sur son char est remarquable à cet égard. Tout est bien distinct, et les jambes qui ne se couvrent point les unes les autres, et les


(1) Ghabouillet, n° 1190.