Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Commentaire.


Les habitants de la province et de la campagne remerciaient leurs hôtes de la ville par des envois de fleurs, de fruits, de provisions de toute sorte. Philostrate suppose que les fruits représentés dans notre peinture étaient un cadeau de ce genre : de là le titre qu’il a choisi. Était-ce bien l’intention de l’artiste ? nous en doutons un peu. Dans tous les cas, il n’importe guère ; en face d’un tableau semblable, le spectateur se demande seulement si les fruits ont été représentés avec tous leurs accidents de forme et de couleur, et s’ils ont été groupés pour le plus grand plaisir des yeux.

Y avait-il dans l’antiquité un mot pour désigner plus particulièrement ce que nous appelons la peinture de genre et surtout la peinture de nature morte ? Oui, répondent la plupart des archéologues et ce mot est rhopographie.

Rhopographie, à considérer l’étymologie du mot, signifie ou peinture de menus objets ou peinture de plantes sans doute maigres et chétives[1]. Dans le premier sens une épigramme de l’Anthologie fait dire à une mère consacrant son fils Micythe à Dionysos qu’elle offrait aux dieux, non un grand ni un important tableau comme les riches, mais une humble peinture, une rhopicographie[2]. Dans le second, Cicéron a pu écrire cette phrase[3] : « Ces lieux sont charmants ; mais la rhopographie des bords de cette rivière me paraît de nature à amener promptement la satiété. » Toutefois Cicéron a pu désigner ainsi moins encore les plantes et les arbustes que les autres éléments du paysage, rochers, accidents de terrain, villas et chaumières.

Le terme de rhopographie existait donc, à n’en pas douter, dans la langue grecque ; mais, d’un côté, rhopos est même pour les anciens une expression archaïque que les grammairiens remplacent, pour la mieux faire entendre, par une expression plus moderne et qu’ils n’entendent pas eux-mêmes tous tout à fait de la même façon[4] ; d’un autre côté, ce terme, partout où il se rencontre, sert à exprimer un sentiment de dédain plus ou moins marqué. Nous croirions donc volontiers qu’entre le mot &e rhopographie et nos expressions de peinture de genre et peinture de nature morte, il n’y a point parité absolue ; nous désignons, en parlant ainsi, un genre, un vrai genre bien classé et bien déterminé, qui a pour ainsi dire son rang et sa dignité ; pour les anciens la rhopographie n’est pas un genre : c’est un mot qu’ils ont

  1. Suivant qu’on fait venir ce mot de ῥωπος ou de ῥῶπες. Cf. Etym. M. Welcker ad Philostratum, p. 396 et les textes réunis par Jahn, Darstellungen des Handwerks und Handsverkehrs.
  2. Anth. pal., VI, 355, ῥωπικà γραψαμένα.
  3. Ad Atticum, XV, 16.
  4. Cf. Jahn, ouvrage cité.