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LIVRE PREMIER




I

Chœur de jeunes filles.


Au milieu d’un frais bosquet de myrtes, de fraîches jeunes filles chantent Aphrodite éléphantine. Le chœur est dirigé par une femme d’expérience, mais belle encore ; car les premières rides ont je ne sais quelle grâce qui fond ensemble la gravité naissante de la vieillesse et le dernier éclat de l’âge en sa fleur. Aphrodite est nue, dans une attitude décente : c’est une statue d’ivoire, formée de petits blocs rapprochés. Mais la déesse ne veut pas que l’on croie à une peinture ; elle se détache en relief et semble offrir prise à la main. Veux-tu que sur son autel nous fassions une libation en paroles ? Assez d’encens, de romarin, de myrrhe lui est offert ; d’ailleurs il s’exhale ici, je crois, un peu de cet enthousiasme qui inspirait Sappho. Il nous faut donc louer l’habileté du peintre. D’abord, ornant la déesse des pierres précieuses qui lui sont chères, il n’a pas tant cherché à les imiter par la couleur que par un jeu de lumière : un point brillant semblable à celui de la prunelle, les rend comme transparentes. C’est aussi un effet du talent, si nous entendons l’hymne. Car elles chantent, ces jeunes filles, elles chantent ; et l’une d’elles perdant la mesure, la maîtresse de chœur la regarde, en battant des mains pour lui faire retrouver le véritable mouvement. Leur costume qui est des plus simples et ne les gênerait pas si elles voulaient jouer ; leur ceinture qui serre étroitement le corps, la tunique qui ne couvre pas les bras, la façon joyeuse dont pieds nus elles foulent l’herbe tendre, tout humide encore d’une rosée rafraîchissante ; leurs vêtements fleuris comme une prairie, remarquables par l’harmonie des couleurs, tout cela a été divinement rendu, et avec grande raison. Ce sont là des accessoires, mais la peinture qui les dédaigne manque de vérité. Quant à la beauté des jeunes filles, si nous chargions Pâris ou