Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/373

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rubis et des améthystes, par exemple ; mais qu’à l’aide d’un point brillant, d’un réveillon placé à propos, semblable à celui dont les peintres illuminent les yeux de leurs personnages, il avait su donner à ces pierres leur éclat naturel, leur transparence ordinaire. C’est là sans doute un procédé assez commun, et qui ne mérite point l’étonnement, encore moins l’admiration ; mais Philostrate ne possède pas, comme nous l’avons dit, une esthétique bien sûre d’elle-même, tantôt il fait bon marché de l’imitation dans les arts, tantôt il l’exalte outre mesure. Il est toujours plutôt un sophiste ingénieux qu’un amateur éclairé.

La Vénus de Médicis, l’Aphrodite Anadyomène ne porte ni colliers ni bijoux ; ces ornements en effet seraient contraires à la conception même de l’artiste. La déesse se parait de sa beauté, mais ne la relevait par aucune parure artificielle ; elle ne saurait avoir des bijoux, quand elle n’a point de vêtements. Mais l’Aphrodite de notre tableau est une idole ; ces ornements que le peintre avait représentés, que Philostrate remarque, elle les tient, non du sculpteur qui l’a modelée, mais de ses adorateurs qui l’ont parée pour sa fête. Avant de chanter leur hymne, les jeunes filles ont attaché à ses bras des bracelets garnis de pierres précieuses, ou suspendu à son cou ce collier qui dans beaucoup de statuettes d’Aphrodite, dessine une croix, et laisse pendre un coquillage sur la poitrine de la déesse[1].

La statue de Philostrate était, dit le texte grec, « un assemblage d’ivoire fermé ». Suivant Heyne[2], les statues en ivoire étaient composées de petits blocs réunis et cimentés ensemble sur un modèle de bois ou de terre destiné à former noyau. L’expression de Philostrate semble indiquer un travail analogue. Mais, comme cette opération, suivant toute apparence, ne devait avoir lieu que pour les œuvres de grande dimension, il semble que nous devions nous représenter ici l’image d’Aphrodite, non comme une statuette, mais comme une statue de grandeur naturelle. Sur les œuvres ainsi composées de petits blocs, la soudure se reconnaissait sans doute à des lignes légères, à une espèce de lacis régulier que le peintre avait imitée dans sa reproduction, et que Philostrate a cru devoir signaler d’un mot à ses jeunes auditeurs.



II

Éducation d’Achille.


Des faons, des lièvres, voilà quelle est maintenant la chasse d’Achille ; plus tard il prendra des villes, des chevaux, des rangées d’hommes ; il aura pour adversaires des fleuves qu’il empêchera de couler ; et pour

  1. Cf. Bernouilli… Aphrodite, p. 31, 279, 297, 301. Cet archéologue cite surtout une épingle surmontée d’une statuette d’Aphrodite qui se trouve au British Museum et une statuette d’ivoire de la Bibliothèque nationale à Paris (Catal. Chabouillet, no 1220).
  2. Heyne, Antiq. Aufs., t. I, p. 155, traduit par Jansen, dans le 1er vol. de la traduct. de l’Hist. de l’Art par Winckelm. Cf. Quatrem. de Quincy, Jup. Olymp.