Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/375

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est plein de douceur : c’est qu’il agit et pense selon la justice, c’est aussi que jouant de la cithare, il a subi l’influence de la musique. Il a aussi un air caressant, car il sait, le centaure, que les caresses sont, pour l’enfant, aussi douces que le miel, et plus nourrissantes que le lait. Ceci se passe à l’entrée de la caverne, mais vois dans la plaine, ce cavalier, cet enfant sur le dos du centaure, c’est toujours Achille. Chiron, son maître d’équitation, lui sert de monture, mesure la vitesse de sa course aux forces de l’enfant, et celui-ci riant aux éclats dans l’excès de sa joie, le centaure se retourne, lui sourit et lui dit presque : vois comme je piaffe sans l’aide du fouet ; vois comme je m’excite moi-même, en ta faveur ; tu ne rirais pas, si tu montais un cheval fougueux ; exercé par moi sans rudesse et devenu habile à manier le cheval, tu seras porté un jour par Xanthos et Balios ; tu prendras des villes, tu extermineras de nombreux ennemis fuyant devant toi comme devant un dieu. » Ainsi parle Chiron ; riantes et belles prédictions, bien différentes des prédictions de Xanthos.



Commentaire.


Achille, selon la fable, apprit du centaure Chiron, à chasser, à monter à cheval, à jouer de la lyre ; l’art nous montre Achille dans ces différents exercices. Tantôt il tient la lyre et semble des yeux interroger le centaure qui lui enseigne l’art de manier le plectrum[1] ; tantôt levant le bras et posant le pied en avant, il semble lancer le javelot ou se battre à coups de poings[2] ; telle pâte antique le représente monté sur le dos du centaure[3] ; sur tel bas-relief, il poursuit au galop un lièvre qu’il a blessé d’une flèche[4].

Les deux scènes de notre tableau qui ont rapport, l’une à la chasse, l’autre à l’exercice du cheval, renferment quelques détails particuliers que nous ne retrouvons pas ailleurs. C’est une idée heureuse de nous montrer Achille revenant de la chasse, offrant un faon à son maître, et recevant pour récompense un rayon de miel et des fruits. De même, le centaure, se retournant vers son cavalier, l’encourageant du regard et par un sourire, est à la fois touchant et gracieux. On ne saurait trop louer l’artiste d’avoir ainsi renouvelé un sujet, sans doute bien des fois traité avant lui.

Dans la première scène le centaure, dit Philostrate, s’agenouillait sur ses pattes de devant pour s’accommoder à la taille de son élève. Ce n’est point là, ordinairement, l’attitude de Chiron ; dans une peinture de Pompéi, à la-

  1. Peint. de Pompéi, Zahn, III, 32. Overb. die Bildw. ATl. XIV, 5. C’est aussi le sujet d’une pierre gravée que nous reproduisons d’après Wicar.
  2. Overb, Ibid. p. 285, no 8.
  3. Overb. Ibid., p. 285, nos 9 et 11.
  4. Ibid, p. 284, no 7.