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voulu dire que livrées à elles-mêmes elles auraient atteint le genou. On peut aussi admettre que le faon ayant été déposé à terre et l’un des bras restant dans la position indiquée par Philostrate, Achille tendait son autre main pour recevoir les présents de Chiron.

Cette main unique descendant jusqu’au genou ne laisse pas de nous surprendre. Jamais les mains ne descendent aussi bas. Était-ce une faute de dessin regardée comme une beauté par le trop ingénieux rhéteur ? Les anciens auraient-ils remarqué, comme le veut Boettiger[1], que les coureurs avaient des bras plus longs que les autres hommes ? Quoi qu’il en soit, nous croyons qu’il ne faut pas trop prendre à la lettre les expressions de Philostrate ; l’extrémité des doigts approchait sans doute de la rotule, sans pour cela la toucher, ce qui aurait été fort disgracieux, en dépit de l’explication naturaliste du rhéteur ; l’expression même des mains « allant aux genoux », pouvait être comme technique pour désigner cette conformation particulière.



III

Les Centaurides.


Tu croyais que les centaures étaient nés des chênes, des pierres, ou même de cavales fécondées, dit la fable, par le fils d’Ixion, ce qui expliquerait comment ils réunissent en eux une double nature : la vérité est que dans l’espèce des centaures les mères ont toujours eu de la ressemblance avec des femmes, leurs petits avec les enfants des hommes, et qu’ils avaient dès le principe le plus agréable des séjours. Je ne pense pas, en effet, que tu aies quelque prévention contre le Pélion, contre la vie qu’on y mène, contre les forêts de frênes cultivées par le vent, qui donnent des lances bien droites, à la pointe aussi dure que le fer. Que dire de ces belles cavernes, de ces sources que fréquentent les femelles des centaures, semblables à des Naïades si nous oublions leur nature chevaline, rappelant à certains égards les Amazones : c’est le cheval uni à la femme, c’est la force s’ajoutant à la délicatesse des formes. Quant aux enfants des centaures, les uns sont encore couchés dans leurs langes, les autres commencent à en sortir ; ceux-ci semblent pleurer ; ceux-là sont heureux et sourient à la mamelle qui leur verse le lait en abondance ; d’autres bondissent sous leur mère ; d’autres embrassent les centaurides agenouillées ; en voici un qui dans sa précoce insolence lance une pierre contre sa mère ; ceux-ci n’ont encore que les formes indistinctes de l’enfance aux chairs gonflées de lait ; ceux-là, qui bondis-

  1. Vaseng. Fasc. III, 95, — Krause, gymn., 367.