Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/395

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dans une vallée unie, suffisamment longue, d’où s’échappent les eaux légères de l’Alphée (si légères que seules des eaux fluviales elles sont portées par les flots de la mer), entre des rives bordées de beaux oliviers sauvages, aux feuilles d’un vert pâle et frisées à la manière de l’ache. Mais nous contemplerons plus tard ces objets et beaucoup d’autres ; considérons le stade et l’exploit d’Arrhichion. Il semble qu’il ait triomphé non pas seulement de son adversaire, mais de la Grèce tout entière. Les spectateurs s’élancent de leurs sièges en poussant des cris ; les uns agitent leurs mains, les autres secouent leurs vêtements ; ceux-ci bondissent en l’air ; ceux-là, par amusement, engagent une lutte avec leurs voisins, car un spectacle si émouvant ne permet à personne de se contenir. Qui serait assez froid pour ne point acclamer un tel athlète ? C’était déjà bien glorieux pour lui d’avoir été deux fois vainqueur aux jeux Olympiques ; sa troisième victoire est encore plus belle, car il l’achète de sa vie et c’est, couvert de poussière, qu’il entre dans le séjour des heureux ; le hasard, crois-le bien, n’a pas conduit les événements, l’adresse la plus consommée a donné la victoire à notre athlète. C’est une lutte dangereuse, mon enfant, que le pancrace ; il faut savoir tomber à la renverse, ce qui n’est point sans péril pour l’athlète ; il faut enlacer son adversaire, et vaincre, quoiqu’il paraisse vous tenir sous lui ; il faut avec art le serrer fortement, tantôt ici et tantôt là ; s’attaquer à la cheville d’un pied, tordre une main, frapper et assaillir en bondissant ; car le pancrace autorise tous ces moyens ; il ne défend que de mordre et de crever les yeux. Et encore cette restriction n’est-elle point connue des Lacédémoniens qui ne luttent, j’imagine, que pour se préparer aux combats. Mais chez les Eléens, dont ce sont ici les jeux, sauf ces deux choses, tout est permis, même de serrer à étouffer. Aussi l’adversaire d’Arrhichion l’ayant saisi par le milieu du corps a résolu de le tuer : il lui applique le coude sur la gorge et intercepte la respiration ; ses cuisses pressent le bas-ventre d’Arrhichion et de chacun de ses pieds il lui entoure un jarret ; un sommeil mortel engourdit les sens d’Arrhichion ; mais le vainqueur qui a surpris ainsi son adversaire au point de l’étouffer, se laisse surprendre à son tour par l’habileté du vaincu, dont il cesse de comprimer la jambe assez fortement. Arrhichion en effet a repoussé par un violent effort le pied qui étreignait son jarret droit ; sa jambe se balance maintenant dans l’air, il maintient alors son adversaire contre ses flancs, de façon à lui ôter tout moyen de résistance ; puis s’appuyant sur le côté gauche et comprimant dans le pli du jarret l’extrémité du pied de son adversaire, il lui arrache par