Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/394

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lance et du bouclier tiennent la lance de la main droite, le bouclier de la main gauche. Il est aisé de comprendre pourquoi le peintre dans notre tableau n’a pas donné cette attitude à Rhodogune ; elle prie les dieux : elle achève d’élever son trophée ou tient une patère dans la main droite pour faire une libation aux dieux ; elle a donc fait passer sa lance dans sa main gauche. Cette attitude, d’ailleurs très naturelle, n’est point inconnue à l’art antique ; c’est celle de Minerve sur les monnaies du Bruttium.

Philostrate fait remarquer que Rhodogune n’est pas tout à fait vêtue comme une amazone. Le rhéteur pense en effet non aux amazones hellénisées par le ciseau des grands maîtres de la Grèce, mais à celles qui étaient restées asiatiques. Les premières ont toujours une épaule et un sein découverts ; leur tunique courte descend à peine jusqu’au genou et laisse les bras tout à fait libres ; les secondes portent la tunique à manches, serrée à la taille, les anaxyrides brodées, les chaussures pointues, quelquefois un second vêtement plus ample qui flotte sur le premier et ressemble à la chlamyde des hommes. C’est d’ailleurs le costume moitié historique, moitié de convention, que l’art antique avait adopté pour les peuples barbares, pour les habitants de l’Asie, comme pour ceux du nord de l’Europe, et qu’il se contentait d’enrichir ou de simplifier, suivant qu’ils avaient à représenter un Scythe ou un Perse[1].

Le choix du moment était heureux, Rhodogune s’élançant au combat ou aux prises avec l’ennemi ne nous aurait guère laissé le loisir d’admirer autre chose que sa vaillance ; en outre, elle n’eût pas été aussi reconnaissable ; on l’eût prise volontiers pour une de ces amazones que l’on rencontre si souvent sur les monuments figurés. Debout auprès d’un trophée, entourée de cadavres et de prisonniers, tenant d’une main la patère des libations, de l’autre, la lance et le bouclier, elle est la Rhodogune que connaît l’histoire, Rhodogune en possession de sa renommée ; la joie de la victoire qui s’épanouit sur son visage accroît sa beauté. C’est le plus beau moment de son règne et de sa vie ; c’est par conséquent celui où elle méritait le plus d’être offerte par la peinture à l’admiration des hommes.



VI

Arrhichion.


Tu assistes aux jeux Olympiques et au plus beau de tous, je veux dire le pancrace ; le vainqueur Arrhichion est mort au milieu de sa victoire et voici l’hellanodice qui le couronne ; un juge impartial : il prouve en effet par son action qu’il aime la vérité ; un vrai juge : car il est représenté avec le costume de ces sortes d’arbitres. Le stade se trouve

  1. Cf. Otto Jahn, Einleitung in der Vasenkunde, p. CCIX.