Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/397

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chion était emprisonné dans le pli du jarret, et maintenu contre le sol par le poids même du corps d’Arrhichion. Cette position laissait comprendre comment le pied avait pu être luxé et la cheville déboîtée. Les doigts du pied avaient du être aussi écrasés, comme le raconte Pausanias qui, de son côté, ne parle pas de la cheville. Ainsi se concilierait le récit du périégète et la description de Philostrate.

Les attitudes sont bien différentes dans le fameux groupe en marbre de Florence qui représente deux lutteurs. Le vaincu a la figure et la poitrine tournées vers la terre ; il se soutient encore avec le bras gauche et le genou droit ; l'autre penché sur le dos du rnremier, lui enlace la jambe droite de sa jambe gauche; en même temps il lui saisit le bras droit et le ramène violem- ment en arrière, de manière sans doute à briser le dernier effort du bras qui se tend et à terrasser complètement son rival. Les deux groupes se ressem- blent cependant à certains égards ; d’abord le sculpteur et le peintre ont combiné les mouvements de telle façon que les deux têtes sont entièrement visibles pour le spectateur ; d’un autre côté, les expressions sont presque les mêmes : dans le groupe de Florence, la joie, la sécurité, l'orgueil, s'épanouis- sent sur le visage du vainqueur; la douleur contracte les traits du vaincu. Ajoutez aux signes de la souffrance une päleur mortelle, que la peinture seule peut rendre, le rival d'Arrhichion est présent à nos yeux ; fermez les yeux du vainqueur, dans le groupe de Florence; tempérez sa fierté et sa joie parle calme de la mort, et vous croirez voir Arrhichion. Un commentateur à prétendu, il est vrai, que la peinture de la mort dans l'art antique, admet la sérénité, non le sourire ; mais si c'est à une règle générale, le mérite d’un artiste consiste à s’en écarter à propos ; ainsi il évite le lieu commun. Or, Arrhichion n’est pas un mort ordinaire ; au moment même où il meurt, ilse sent victorieux ; n'était-ce point le cas de mêler à l'expression générale de la mort les signes de la satisfaction que l'athlète dut éprouver à mourir ainsi, sur son vrai champ de bataille, et en homme qu'on a pu terrasser et tuer, mais non surpasser dans son art.

Outre les deux athlètes, le peintre avait encore représenté un Hellanodice et les spectateurs de la lutte. L'Hellanodice portait, dit Philostrate qui ne s'explique pas autrement, le costume de ces sortes d'arbitres ; un fragment de texte grec (1) nous apprend que les Hellanodices au nombre de dix dans les jeux Olympiques étaient vètus de pourpre. Nous devons nous les repré- senter sans doute comme ces brabeutes, si fréquents dans les peintures de vases; debout ou assis sur un ocladias, enveloppés dans une draperie qui laisse l'épaule à découvert ou emprisonnés dans le tribôn, ces juges des coups portés et rendus tiennent à la main un bâton ou une baguette fourchue, sym- bole de leurautorité. Ici l’Hellanodice, debout sans doute auprès d’Arrhichion




(1) .Beck., anecd. Cf. Etym. magnum