Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/403

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montrer. Nestor pleurant son fils, Achille pleurant son favori, ce sont là deux sujets distincts que l'artiste a eu raison de ne pas réunir. Nestor, ait été présenté, aurait eu le premier rôle ; c'est lui et non Achille qui se serait jeté sur la poitrine d’Antiloque. Cette explication nous paraît subtile : nous imaginons très bien, par exemple, Achille penché sur le cadavre, Nestor debout et croisant les mains; Achille médite une vengeance ; Nestor est abattu et consterné par ce nouveau malheur qui frappe sa vieillesse. Ge sont là deux douleurs différentes : le premier rôle n'appartient pas plus à l'une qu’à l'autre ; d’ailleurs le sujet est plus encore la mort d’Antiloque que la douleur d'Achille ; en quoi l'unité serait-elle violée, parce que tous ceux qui regrettent Antiloque sont rangés autour de son cadavre ? La diversité dans l'expression de la douleur est une ressource précieuse dont un peintre ne se prive pas par amour de l'unité mal entendue. D'ailleurs il y a quelque chose de violent à séparer ceux qui doivent pleurer ensemble, par exemple le père et l'ami ! Nous aimerions mieux croire que Philostrate n'a pas reconnu le vieux Nestor dans le groupe de guerriers qui se pressaient autour du cada- vre, ou qu’il a oublié de le nommer. Peut-être aussi a-t-il suivi une autre tradition mal connue de nous. Quintus Calaber raconte que Nestor, après la mort d’Antiloque, avait quitté le champ de bataille pour avertir Achille; sans doute, il était rentré dans sa tente, où il attendait le retour d'Achille et pré- parait les funérailles de son fils. Ce ne sont point ici les funérailles qui sont représentées; c'est le premier éclat de la douleur d'Achille et des Grecs, après qu'ils eurent recouvré le cadavre. Nestor ne serait point là parce qu'il n'au- rait pas combattu. Memnon lui-même (suivant Quintus Calaber) l'avait en- gagé à se retirer de la mêlée ; il s'en était retiré sans doute pour n’y plus rentrer. Sa vengeance était en bonnes mains.

Les guerriers qui pleurent Antiloque avaient chacun une expression dif- férente, nous dit Philostrate ; et cette expression était conforme au rôle qu'ils jouent dans les poèmes homériques ; rien de plus vraisemblable. Ulysse, dans les représentalions antiques, se distingue des autres héros non seule- ment par le bonnet pointu, mais encore parun airtrès remarquable de finesse et d'intelligence; son visage est bien celui d’un homme qui est sans cesse sur ses gardes, qui sait démèler promptement les avantages ou les inconvénients d'un parti, et qui dans l'exécution unit la vivacité à la persistance. Comme exemple de cette expression complexe, nous citerons surtout un buste en marbre reproduit par Tischbein (4); mais on retrouve Ulysse avec la même expression et presque avec les mêmes traits sur d’autres monuments, en particulier dans une peinture de Pompéi (2) qui réunit le héros et Péné- lope et dans quelques-unes des miniatures du manuscrit ambr



en de

{) Tischbeïn, Peint. Homér., Od. IV ; Millin, Gal. mylh., 112 bis, 627. (2) Helbig, Wandg. 132. Overb., die Bildw., taf. 33, 16.