Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/420

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les monuments figurés, avec ces gracieuses divinités des lieux agrestes et solitaires. Tantôt il les poursuit, tantôt il les surprend pendant leur som- meil ; tantôt il les a saisies et s’efforce de vaincre leur résistance ; tantôt il les porte dans ses bras et paraît s’enfuir avec sa proie. Mais dans notre tableau les rôles sont changés. Pan est au pouvoir des Nymphes qui lui ont lié les mains derrière le dos et qui cherchent à lui lier les jambes, sans doute pour les délier plus tard, puisqu’il s’agit, selon Philostrate, de lui apprendre à danser avec grâce.

Nous n’avons à rapprocher de cette composition qu’un bas-relief antique qui décore la panse d’un cratère en marbre (4). Pan, étroitement enveloppé dans une peau de bête, porte le pédum dans la main gauche. Trois femmes l’entourent en dansant et semblent vouloir le contraindre à danser lui- même. L’une d’elles, à défaut de la main droite qu’il refuse de donner et qu’il serre contre la poitrine, a saisi sa peau de bête par une extrémité ; elle semble faire claquer les doigts de sa main libre comme pour marquer la mesure et encourager le dieu récalcitrant. Une autre femme, placée derrière le dieu, tient la robe de sa compagne etsemble, autant qu’on peut le con- jecturer, porter la main sur Pan, pour le faire tourner sur lui-même. Une troisième femme a dans sa main une autre extrémité de la peau de bête ; l’autre main étant inutile, elle l’a posée gracieusement sur sa hanche. L’at- titude et la figure du dieu expriment la mauvaise humeur ; à voir son em- barras comique, on dirait qu’il craint d’être jugé maladroit et disgracieux, ét de faire rire à ses dépens s’il dansait en pareille compagnie.

On voit les ressemblances, mais aussi les différences entre ce bas-relief et notre tableau. Pan est libre et pourrait se dérober à l’obsession de ses com- pagnes ; il n’a point la barbe coupée ; il n’est point enchaîné : il n’a pas été surpris ; il en résulte qu’il est mécontent et non pas irrité. Nous sommes obligé de demander à une autre œuvre d’art quelle pouvait êlre l’expression grimaçante de Pan dans notre tableau. Un bas-relief du Bristish-Museum (2) nous présente trois têtes de Pan ; l’une est couronnée de lierre ; les yeux, le nez, la bouche, tous les traits de la figure semblent se dilater et s’épa- nouir : c’estle joyeux compagnon de Dionysos. A côté, est le Pan qui inspire la terreur ; la chevélure abondante, sans couronne ni bandeau, est rejetée en arrière ; les yeux sont fixes et ronds ; la prunelle est marquée ; la bouche s’ouvre grandement, et, par ce mouvement même, force les narines à se relever. La troisième tête, ornée de pommes et de feuilles de pin, aun air sévère et courroucé ; le sourcil est froncé et entraîne dans son mouve- ment les yeux qui s’abaissent, tout en restant ouverts eL menaçants. Mais de





(1) Mus. Borb, , NUE, t. 9. — Mütler-Wiesel., D. d. « . K., M, 549. Le musée du Louvre pos= sède un fragment de bas-relief qui a beaucoup de rapport avec celui-ci ; Frühner le décrit dans sa Notice de la sculpture antique (n° 289), mais n’indique pas ce rapprochement qui nous parait do nature à on rendre l’explication plus aisée. (Voir la planche ci-contre.)

(@) Gombe, Terraeott. in British Mus., pl. XXIV, n° 45 : — Müll-Wies., II, 527.