Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/436

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plus légères que celles du Pénée. Pour qu’une telle allégorie fût parfaitement claire, il eût fallu sans doute asseoir ou coucher à demi le Titarèse sur les genoux du Pénée ; attitudes qui ont paru bizarres, mais dont l’art grec offre néanmoins quelques exemples plus ou moins analogues, c’est ainsi par exemple que sur le fronton oriental du Parthénon une des deux déesses connues sous le nom de Mœres ou Parques, est étendue mollement comme l’Ariadne du Vatican et appuie avec familiarité le coude sur le genou de sa sœur assise ; c’est ainsi encore que sur le fronton occidental du même temple (et l’attitude en est presque aussi singulière que celle de sainte Anne et la Vierge dans un tableau célèbre de Léonard de Vinci) Aphrodite nue est assise, jambes pendantes, sur les genoux de Diane sa mère. Il nous semble toutefois que si l’attitude du groupe eût été aussi caractéristique, Philostrate l’aurait décrite plus longuement, ou du moins se serait servi pour l’indiquer d’une expression plus précise. Ne faisons point violence à son texte, et nous comprendrons peut-être que le Titarèse à demi couché près du Pénée, et comme le Pénée, s’appuyait légèrement sur le dos ou l’épaule de ce dernier ; quant à l’explication que donne Philostrate de cette attitude, elle n’était peut-être pas venue à l’esprit de l’artiste. Le Titarèse était un affluent important du Pénée : n’était-ce pas un motif suffisant pour grouper ensemble les deux fleuves et les appuyer l’un contre l’autre ?

La Thessalie caressait un cheval enfanté, dit Philostrate, par la terre, que le dieu, pendant son sommeil, avait fécondée. Ici encore, il faut distinguer entre le peintre et son commentateur. Si la plaine était couverte d’eau, Poseidon, le Poseidon de terre ferme, n’a pu s’y coucher et s’y endormir ; d’ailleurs, d’après la fable, il ne prit de repos qu’après avoir rompu la chaine des montagnes. Mais l’artiste n’a sans doute point songé à la légende ; il s’est rappelé seulement que la Thessalie nourrissait de nombreux chevaux dans ses pâturages, et il a placé près du personnage chargé de la représenter un cheval, comme il lui a mis sur la tête une couronne d’olivier et d’épis, pour indiquer son genre de gloire et de richesse.



XV

Glaukos, dieu marin.


Laissant derrière soi le Bosphore et les Symplégades, le navire Argo fend déjà les eaux du Pont ; Orphée par ses chants charme la mer attentive et aplanit le chemin liquide. Le navire porte les Dioscures, Héraclès, les Æacides, les fils de Borée, toute une race de demi-dieux qui florissait alors ; la carène a été faite d’un arbre antique que Jupiter avait choisi dans la forêt de Dodone pour rendre ses oracles. Voici le motif de cette expédition. Une toison d’or est conservée à Colchos, celle de l’antique bélier qui, dit-on, passa à travers les airs Hellé et Phryxos. Jason veut s’en emparer, mais elle ne peut être que le prix d’une victoire, car dans