Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/443

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rait-il été plus prudent que d'ordinaire les archéologues modernes? On serait tenté de le croire à le voir si sobre de détails sur les principaux Argonautes. En tous cas, il n'y a pas lieu de lui reprocher son silence, ni surtout d’en tirer cette conséquence qu'il n’a pas vu le tableau qu'il décrit; outre que rien ne le forçait à tout dire, s’il n’a pas parlé d’altributs, c'est que le peintre les avait peut-être supprimés.

Philostrate parle de cinquante rameurs. Avait-il donc compté l'équipage et peut-on supposer qu'un peintre eût groupé un si grand nombre de personnages sur un seul vaisseau? Gædechens répondant à Friederichs sur ce point, observe que sile navire était représenté, comme il est probable d'ailleurs, dans le sens de sa longueur, vingt-cinq rameurs placés sur le côté visible laissaient deviner aisément que l'équipage était de cinquante hommes, que de plus ce nombre de vingt-cinq personnages se retrouvant, dans la même condition, sur des peintures de vase dont le champ est assez limité (1), rien n'empêche de penser que dans une peinture plus étendue, un peintre ait pu à ce point mulüplier l'équipage d'un navire. Tout cela paraît juste. Toutefois nous croyons, pour notre part, que Philostrate ne se piquait point d’exactitude; il savait par les poètes qu'Argo était un navire de cinquante rames ; que l’ar- tiste eût représenté les cinquante rameurs ou non, Philostrale se les repré- sentait à lui-même. D'ailleurs si on a permis tant de fois à l’art de substituer quelques hommes à une armée ou à une foule, c’est que l'imagination du spec- lateur est complaisante ; pourquoi cette complaisance étonnerait-elle de la part d'an rhéteur qui cherche de lui-même l'illusion et qui plus que tout autre est disposé à entrer dans les artifices et les conventions de la peinture?

Les héros sans doute exprimaient leur épouvante, à peu près comme sur tel bas-relief les compagnons d'Ulysse dont l'effroi, à la vue des Sirènes, est cependant mêlé de curiosité (2). Nous possédons d'ailleurs un terme de com- paraison plus approprié; sur le vase François, les compagnons de Théseus, troublés par l'apparition du même Glaukos, reculent, lèvent les mains, sem- blent s'agiter de toutes manières (3). Tout autre est l'expression des compa- gnons d'Ulysse sur une médaille contorniate (4); ils se sont armés de la lance et du bouclier contre Seylla et ne reculent même pas en voyant le monstre saisir l'un d’entre eux par la chevelure. Philostrate a bien compris pourquoi l'artiste avait donné à tous ses personnages les signes de l'épouvante; c'était pour mieux faire ressortir le courage inébranlable d'Héraclès.

Des Alcyons chantaient autour de Glaukos. Aucun commentateur ne veut accepter l'explication de Philostrate; elle paraîl en effet subtile. Gædechens observe d'abord qu'entre Glaukoset Halcyoné il yavait un étroit rapport;ensuite que les Alcyons permettaient au peintre deremplirheureusement son tableau,





(1) Millingen, Vases cghill., pl. LI, cité par Gædechens.

(2) Sarcoph. de Volterra, Raoul Roch., M. J., p.316; Müller-Wieseler, D. d. a. k, 11, n° 151. (3) Gædech 83 et 156,

(4) Müller-Wiesel., D, d. a. Ka, 1, taf. LXNIL, n° 413.