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de dissimuler un peu la rupture d’équilibre que devait produire l’opposition de deux masses nécessairement inégales comme Glaukos et Argo. La première raison dispense peut-être de la seconde, dont nous ne saurions d’ailleurs juger qu’avec le tableau sous les yeux. Halcyoné, suivant certains auteurs, passait pour la mère de Glaukos[1] ; l’apparition des Alcyons, comme celle de Glaukos, était un pronostic du temps ; couvant leurs œufs pendant les jours sereins de l’hiver, ils annoncaient à la fois et ces jours sereins qu’on nommait alcyonnés et les tempêtes de la mauvaise saison[2] ; sur une pierre gravée[3] on voit voltiger au-dessus de la tête de Glaukos des oiseaux qui sont peut-être des alcyons. Enfin les navires qui entraient dans le Pont-Euxin rencontraient sans doute des bandes de ces oiseaux ; quoi d’étonnant dès lors que l’artiste ait placé des alcyons sur la route d’Argo voguant vers la Colchide ?



XVI

Palemon.


Ce peuple sacrifiant dans l’Isthme doit être celui de Corinthe ; son roi que voici, s’appelle Sisyphe, j’imagine ; enfin voilà le téménos de Poseidon, entouré de pins dont les cimes répondent par un doux murmure à celui des flots. Ino et son enfant sont tombés à la mer ; pour Ino, elle sera Leucothoé et entrera dans le chœur des Néréides ; pour l’enfant, c’est la terre qui le possédera. Et déjà il aborde, porté par un dauphin. L’animal complaisant aplanit son échine sous l’enfant qui dort et pour ne point le réveiller glisse sans bruit sur l’onde tranquille. Au moment où l’enfant approche, un sanctuaire s’ouvre dans l’Isthme, au milieu des entrailles de la terre, par la volonté de Poseidon qui sans doute a prédit à Sisyphe l’arrivée d’un nouvel hôte et lui a prescrit un sacrifice. Le roi immole donc, comme tu vois, un taureau noir qu’il a choisi, j’imagine, dans le troupeau consacré à Poseidon. Ne parlons ni du rite du sacrifice, ni du costume des sacrificateurs, ni des libations, ni de la manière d’égorger les victimes, toutes choses propres aux mystères de Palæmon ; c’est là une science vénérable et tout à fait réservée, introduite dans la religion par Sisyphe le sage : de cette sagesse même, son air attentif et grave est déjà une preuve. Quant à Poseidon, s’il devait fendre les rochers du nom de Gyres ou les montagnes de la Thessalie, il serait représenté avec des yeux farouches et semblerait frapper ; mais donnant l’hospitalité à Mélicerte et voulant le cacher dans le sein de la terre, il sourit à l’enfant qui entre dans le port, il ordonne à l’Isthme d’ouvrir son giron et d’offrir un asile au fils d’Ino. L’Isthme, mon en-

  1. Athén., VI, 296 b.
  2. Voir Gubernatis, Mythol. zoolog., traduct. Regnaud, II, p. 283.
  3. Gædech., p. 143.