Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/454

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que renferment les manuscrits des Agrimensores latins, Brunn cite une Ita- ‘lie murale (in pariele picta [alia) de la galerie géographique du Vatican, qui offre à la fois le caractère d'une carte et d’un tableau.

Ge sont là, pensons-nous malgré ces analogies et ces autorités, des hypo- thèses aventurées et qui ont pour premier tort, celui de se contredire. Si le peintre a voulu représenter les îles Eoliennes, est-il admissible qu'il ait été si vivement préoccupé de la symétrie ? Les îles Éoliennes, il faut le suppo- ser, n’ont reçu de la nature ni la même variété d'aspect que présentent les îles de notre tableau, ni cette disposition régulière que Philostrate prétend reconnaître dans l'œuvre de l'artiste. Welcker, qui a pressenti l’objection, cherche à y répondre : selon lui, le peintre, en prenant son sujet dans la nature, l'a modifié et plié aux caprices de son imagination et aux lois de la symétrie ; c'est une composition moilié réelle, moitié de fantaisie. En toutcas, la part de la fantaisie est si grande, qu'on ne sait trop où en est la limite ; et les traits qu'on suppose fournis par la réalité sont si peu nombreux ou si peu importants qu'il paraît plus vraisemblable de les attribuer au hasard qu'à l'exactitude de l'artiste, Poseidon, par exemple, était une divinité honorée dans toutes les îles ; les flots tourbillonnent et les nuages s’amoncellent au- tour de toute île volcanique. En outre les différences entre les îles du tableau et les îles Eoliennes sont peut-être plus manifestes encore que les ressem- blances. Toutes les îles Lipariennes couvaient un feu intérieur ; il n’y en a que trois dans la peinture qui récèlent la flamme ou qui aient subi l'action du feu. Un taureau de mer n'est point un dragon. Puis si le peintre avait voulu représenter les îles Eoliennes, ne nous eût-il pas montré, la principale divinité de ces îles, Eole, en même temps qu'il y plaçait Jupiter, Poscidon et Héphæstos. 8

Welcker compte sept iles dans notre tableau; il ne nous est pasprouvé qu'il ne faille en compter huit ou même neuf. La colline du dragon gardien d’un trésor fait partie, suivant Welcker, de l'ile où Silène poursuit une bacchante. Philostrate, en parlant de cette colline, dit qu’elle est entourée d’eau de tous côtés ; c'est donc une île distincte de toutes les autres. Plus loin, il ajoute : cette île est couverte de vignes et de lierre. Est-ce un nouvel îlot, est-ce le même qu'il désigne ainsi? Les arguments de Welcker, tirés de la construction même de la phrase grecque, ne paraissent pas décisifs. Il semble que Philos- trate, apercevant sur une même île des objets si divers, eût cherché à expliquer pourquoi l'artiste les avait ainsi réunis. L’explication d’ailleurs eùt été facile, puisque le serpent apparaît souvent dans les scènes bachiques. Si Philos- trate, en présence du dragon, le considère comme le gardien d’un trésor enfoui dans le sol, c'est sans doute que ce dragon n'était point sur la même île que Silène. En outre, ce rocher escarpé sur lequel les mouettes sont po- sées en cercle autour d’un alcyon n’est-il point séparé par un bras de mer de l'île des chasseurs et des bûcherons ? Ge sont là des sujets bien différents, et