Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/455

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui semblent demander un théâtre distinct. N'oublions pas que d'après Phi- Jostrate ces îles sont très pelites; sans doute l'artiste s'était plu à varier la scène et le paysage avec chacune d'elles ; et cet amour de la variété l'avait conduit à représenter des îles moindres les unes que les autres; il y avait des îlots ; il y avait aussi de simples rochers ; pour les îlots, il avait choisi les sujets à personnages mulliples ; sur les rochers il s'était contenté de peindre un dragon ou des mouettes.

D'un autre côté, cette symétrie dans la disposition des îles ne nous frappe pas autant que Welcker. Il oppose l'ile inhabitée à l'ile d'or; mais elle pouvait tout aussi bien être opposée à celle où les pècheurs et les laboureurs apportent sur un marché commun, les uns leur blé, les autres leurs poissons. Comment admettre qu’il y ait un rapport entre l'ile consacrée à Dionysos et l'île séparée en deux par un tremblement de terre ? Dionysos, sans doute, est né au milieu du feu et c’est l’action du feu qui d’une ile en a fait deux; mais quelle érudition ne faut-il pas avoir pour songer à ce lointain rapport à la vue de Silène et d’un pont jeté sur deux iles ! Pourquoi, en suivant le mème système, ne verrait-on pas un contraste entre l'île d'or et l'ile volcanique que Welcker place au centre ? L'une éveille à l'esprit les idées de gaieté et de viva- cité ; l’autre présente l'image de la lutte et du désespoir. Ici nous apercevons un géant, là un enfant. On pourrait multiplier les observations de cette sorte ; elles prouvent, nous semble-t-il, que l'artiste a cherché la variété, mais non la symétrie dans la variété ; ses îles ressemblent ou diffèrent plus ou moins entre elles ; mais il ne paraît pas qu'elles aient été disposées en face les unes des autres selon leurs ressemblances ou leurs différences.

Par sa variété mème, ce tableau nous offre tous les types de la peinture de paysage chez les anciens. Ici c'est le paysage peint pour lui-même, pour ses accidents de terrain, pour sa grâce sauvage ou cultivée; là c'est le paysage familier, servant de cadre à la vie humaine ; là le paysage héroïque ou my- thologique, rappelant le rôle des dieux dans les légendes primitives sur la formalion des contrées. Aïlleurs, enfin, voilà le paysage de fantaisie, tel qu'on le rencontre sur les murs de Pompéï et d'Herculanum, tel que le décrit Vitruve, unissant les disparates, modifiant la taille des objets naturels, dé- daignant la vraisemblance.

Le paysage mythologique mérite surtout d'attirer notre attention et d'être comparé aux autres représentations de même nature dans l’art antique.

On pourrait croire avec Heyne que le Poseidon Panoptès (qui voit tout) était debout sur une des hauteurs de la première île. Dans ce cas, il faudrait se le représenter posant un pied sur un rocher, laissant tomber sa main droite sur la cuisse, tenant dans sa main gauche le trident, et fixant ses re- gards sur les flots. Gette attitude que présentent quelques statues (1), qui se



(1) Statue du Muséo de Latran, Clarac, Musée de seulpt., 1V, pl. DCCXLIV, n° 1797. — Statue du Muséo de Dresde, Becker, August., I, taf. 47; Clarac, IV, pl. DCCXLII. +