Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/463

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de phrase ne prête pas à l'équivoque. Philostrate montre les personnages dont il parle. Quant à Polyphème, est-il vraisemblable que le rhéteur l'eût décrit comme un monstre, si le peintre en avait fait un pasteur aimable, aux traits nobles et réguliers? Et s'il eût songé à rappeler ici le Polyphème ho- mérique, n’aurait-ce pas été pour le comparer au Polyphème qu'il avait sous les yeux? Faut-il aussi justifier la syrinx que tient Polyphème? Il est certain que dans les tableaux d'Herculanum le géant a une lyre entre les mains; mais la syrinx convient encore mieux que la lyre à un pasteur. L'artiste même d'Herculanum ne lui a donné qu’une lyre grossière et comme rustique, craignant sans doute qu’on ne l'accusàt de n'avoir rien laissé à Polyphème qui rappelât la vie toute pastorale et mème sauvage des Cyclopes. La syrinx que tient Polyphème dans le groupe du Vatican cité plus haut, n’est pas antique; mais si le restaurateur doit être blâmé, ce n’est pas pour avoir cru que la syrinx convenait à Polyphème, c’est pour lui avoir mis cet instrument entre les mains au moment où il s'apprête à Luer un des com- pagnons d'Ulysse.

Considérons maintenant Galatée et son cortège. Dans les peintures d'Her- culanum et de Pompéï (1), tantôt Galatée est montée sur un dauphin, tan- tôt elle se contente d'appuyer la main ou le coude sur la tête de l'animal; souvent elle tient à la main une espèce d’éventail, semblable à une large feuille; quelquefois elle laisse flotter au-dessus de sa tèle le pli de son vête- ment. Là où son cortège est le plus nombreux, il est composé d’un amour qui volant au-dessus d’elle la couvre d’une espèce de parasol, et d’un Triton soufflant dans une conque. Ces différences ont surpris les commentateurs, comme si les peintures de la galerie de Naples devaient avoir été copiées sur celles d'Herculanum et de Pompéï! Galatée est montée sur un char attelé de quatre dauphins; des Tritons la précèdent-tenant les rênes: c'est là une pompe solennelle pour une simple Néréide, disent les critiques, comme si Ja fantaisie de l'artiste n'avait pu élever Galatée à la dignité d’une Amphitrite ! Galatée ne tient pas les rênes ; elle risque de tomber, elle devait inspirer au spectateur des inquiétudes préjudiciables à l'admiration du personnage et de l'œuvre elle-même; comme si la chute était à redouter sur les flots pour une divinité marine, comme si les anciens artistes ne nous montraient pas en bien des circonstances des personnages se tenant sur un char etle con- duisant sans l'aide des rênes ! Brunn cite un diptyque qui représente Diane montée sur un char et tenant un flambeau à deux mains (2). Les rênes re- posent quelquefois sur le bord du char comme dans une mosaïque, dont le sujet est le triomphe de Poseidon et d’Amphitrite (3). Sur telle frise (4), des

(1) Helbig, Wandg., n° 1042-1049.

(2) Millin, G. M., 84, 121.

(3) Delamare, Esplicat. scientif. de l'Algérir, pl. CXLI et CXLIT. Cette mosaique est au Louvre (Cat. n° 49).

(4) Museo Borb., II, P. AA. Roux, Herc. et Pomp., I, pl. LVIL.