Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/464

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Amazones, montées sur leur char, se retournent pour tirer de l’arc contre les ennemis qui les poursuivent, ou combattent avec le bouclier dans une main, la lance dans l’autre. Enfin, dit-on encore, le mouvement de la main droite n’est pas clair et paraît forcé; comme si la main qui tenait la draperie for- mant autour de la tèle une espèce de nimbe ne pouvait pas s’infléchir de manière à effleurer presque l'épaule du bout des doigts. Dans une fresque de Pompéi (1), une femme assise sur un plafond et sous une espèce de dais, nous offre à peu près la même attitude; comme Galatée, elle déploie un voile autour de sa tête, comme Galatée, elle le retient de sa main droite qui toucherait l'épaule, si elle était un peu plus abaissée. Gelte attitude n’avait point semblé contrainte et disgracieuse à Raphaël qui en a donné une toute semblable à sa Galatée. On ne peut même pas prétendre qu’un sophiste seul a pu assimiler à une voile de navire l'écharpe de Galatée, ainsi suspendue au-dessus du char. Dans une peinture campanienne (2) qui représente Aphro- dite promenée sur les eaux par un centaure marin, deux amours tiennent chacun par une extrémité, au-dessus de la déesse, une draperie que deux divinités aériennes, deux vents favorables, gonflent à l’envi de leur souffle. Enfin, dire que le pied de Galatée servait de gouvernail au char, est peut- être un raffinement de rhéteur ; mais ce pied qui sort du char ne doit pas nous surprendre; dans le diptyque cité plus haut, Diane Lucifère pose le genou droit sur le bord du char, et de son pied gauche effleure une roue. Les roues du char de Galatée n’apparaissaient pas sans doute; elles étaient plongées dans l'eau.

Les dauphins qui traînaient le char de Galatée étaient conduits par les Filles de Triton. Cette expression nous indique assez sous quelle forme nous devons nous les représenter, Le Triton est moitié homme, moitié monstre marin ; les Tritonides, élevant au-dessus de l'eau une tête et une poitrine de femme, devaient se terminer par une queue de poisson à replis multiples. Les monuments sur lesquels nous reconnaissons les Tritonides sont assez rares; ils ne sont pas introuvables toutefois. Jahn décrivant un bas-relief de la Glyptothèque de Munich, qui d'ailleurs nous montre des Néréides avec les formes entièrement féminines, cite comme exemple de la conception con- traire un sarcophage de la galerie Giustiniani, une peinture murale des Thermes de Titus et une gemme représentant une famille de Tritons (3).

(1) L. Barré, Ruines de Pompéï, Ile partie, pl. XXVI; Roux, 1, pl. GI et CII:

(2) Helbig, Wandg., n° 508; Zahn, I, 4. Cf. Syrabola philol. Bonn., p. 312. Dans cote même peinture, la main d'Aphrodite est placée comme celle de Galatée dans notre tableau, et l'eau mouille un des pieds de la déesse. M. Helbig remarque à cette occasion que la peinture campanienne peut aider à confirmer l'authenticité des tableaux décrits par Philostrate. D'ail- leurs M. Helbig croit avec Brunn que dans cette description du tableau du Cyclope la vérita- ble description ne commence qu'après le portrait de Polyphème. Selon nous, le texte est très net et n'autorise cette opinion d'aucune manière.

(3) Jahn, Berich. d. kôn. sachs: Gessell. d. Wiss., 5 aug. 1854, p. 187.