Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/468

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longs, une bandelette passant derrière l’oreille les comprime et les maintient[1] ; nous ne parlons pas des athlètes romains dont les cheveux ramassés en touffe étaient noués sur le sommet de la tête. Apollon, à qui les poètes et les artistes donnent une longue chevelure flottante, ne pouvait pas se passer de la bandelette pour lutter contre Phorbas ; il faut reconnaître cependant qu’Apollon porte quelquefois la bandelette, alors même qu’il n’est point armé des cestes et qu’il n’est point conçu comme le dieu du pugilat[2] ; sans doute la bandelette, qui dans les cérémonies du culte orne les victimes, les prêtres et les prêtresses, désigne le dieu qui annonce l’avenir, et dont le poète grec dit, à la vue de sa statue : « Il semble qu’on entende sa voix prophétique et que par ses oracles il dissipe les maux des mortels[3]. » Cette bandelette n’aurait-elle point convenu dans notre tableau au dieu qui avait quitté tout exprès le trépied prophétique de Delphes pour se venger de Phorbas, l’ennemi de son temple, et rouvrir aux peuples consternés le chemin de ses oracles, trop longtemps muets et délaissés ? Oui, sans doute, mais, dans ce cas, l’artiste aurait sans doute conservé au dieu sa chevelure longue et flottante, « qui descend en boucles frisées sur les deux épaules ». Tel nous apparaît un buste que les archéologues rapportent à l’époque de Phidias[4] : Apollon porte la ténia, mais elle n’empêche point les cheveux de retomber en anneaux de chaque côté de la figure. Apollon, sans ses longs cheveux et la tête ceinte d’une bandelette, est bien un Apollon pugiliste, et l’explication de Philostrate doit nous paraître fondée de tout point.

Phorbas, étendu sur le sol, baignait dans son sang ; des têtes décharnées étaient suspendues aux branches d’un chêne. Nous avons montré ailleurs que les anciens n’ont pas toujours craint, en étalant aux yeux de tels spectacles, d’offenser la délicatesse du spectateur, et que douter de l’authenticité d’un tableau antique, parce qu’il est conçu dans un style réaliste, c’est mal raisonner et méconnaître la variabilité inhérente à l’art lui-même qui, après avoir épuisé les émotions douces, cherche naturellement à exciter les émotions les plus fortes.



XX

Atlas.


Héraclès, cette fois sans avoir reçu l’ordre d’Eurysthée, lutta aussi contre Atlas, se faisant fort de porter le ciel mieux que le géant qu’il

  1. Vase du Musée de Naples, Bull. Nap., IV, 5, t. V, 10, 20.
  2. Müller-Wiesel, D. d. a. K., II, nos 118, 118a.
  3. Ibid., no 119.
  4. Anthol. pal., II, LI. Le poète Christodore de Goptos décrit trois statues d’Apyllon qui se trouvaient dans le gymnase public, le Zeuxippe. Il est assez remarquable que toutes ces statues représentent le dieu prophète, aucune, le dieu pugiliste. Les statues d’Apollon, comme les autres que l’on voyait dans le Zeuxippe, n’avaient pas été sans doute destinées primitivement à orner un gymnase.