Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/467

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beauté, en s'unissant dans le même personnage, en se manifestant par une action nécessairement gracieuse, el cependant d'une redoutable énergie, se prêtent un mutuel éclat, et satisfont tous les besoins de notre esprit, aussi amoureux de la puissance que de la forme irréprochable.

Les œuvres d'art qui nous restent, ne nous montrent point, il est vrai, Apollon armé de cestes. Ses armes ordinaires sont l'arc et les flèches ; quel- quefois, comme l'Apollon de la collection Stroganoff, il tient l'égide redou- table, c'est-à-dire une tête de Méduse s'épanouissant sur un fragment de peau. Mais Apollon passait pour avoir vaincu Arès au pugilat, comme Her- mès à la course (1), et c’est pour ce motif, dit Pausanias, c'est en souvenir de cette victoire que la danse des athlètes, nommés Pantathles, était accompa- ‘gnée pat la flûte sur le mode pythique. Le scholiaste d'Homère (2), après avoir raconté la victoire d’Apollon sur Phorbas, nous apprend qu'à partir de ce moment le dieu fut regardé comme un « éphore » ou surveillant du pugi- lat. Enfin, dans les gymnases et les palestres, Héraclès, Hermès et Apollon étaient souvent réunis. Héraclès, c'était la force physique ; Hermès, c'était l'adresse ; Apollon, c'était la grâce dans l'emploi de la force et de l'adresse. Dans un semblable groupe, Apollon était-il représenté, les mains garnies des cestes, l’une en posture de parer, l'autre d'asséner un coup comme telle statue ou telle image de pugiliste dans nos musées et sur les vases antiques ? c'est ce que nous ne saurions dire; mais ni cette attitude ni ces armes, alta- chées autour des bras par des courroies qui fixaient un réseau aux larges mailles et ne cachaïent point le nu, n'étaient de nature, selon nous, à dépa- rer l'élégance obligée d'un Apollon (3). Pour revenir à notre tableau, la main qui avait frappé était restée suspendue en l'air; comme Phorbas est à terre, qu'il est blessé à la tête, qu'il a une taille de géant, il est probable que le coup avait élé porté de bas en haut; l'adversaire d’Apollon était tombé avant même que le dieu eût eu le temps de ramener sa main près du corps; c'était du moins la supposition faite par l'artiste qui avait voulu montrer à la fois et l'issue du combat et le geste qui avait décidé la victoire en faveur d’Apollon. Il avait donc, comme le pugiliste du Musée de Dresde, les deux bras jetés en avant, l’un un peu plus haut, l’autre un peu plus bas.

Le dieu avait la tête entourée d’une bandelette pour combattre, dit le s0- phiste, plus à la légère. Les athlètes, en effet, ont presque toujours sur les monuments grecs les cheveux ou tondus ou assez courts; quand ils sont

(1) Paus., V, 7, 10.

(2) IL, 23, 660 (Dindorf, IV, 326).

(3) Les Amours ou les Génies portent quelquefois les cestes; tantôt comme dans un bas-re- lief de Florence (Müll.-Wies., Il, 6534) l'extrémité des doigts dépasse seule le ceste maintenu sur la main par des courroies qui couvrent le poignet de leur réseau ; tantôt, comme dans une peinture de Pompéi (Roux, V, 87), le ceste est uno espèce de gant qui en laissant toujours li- bre l'extrémité des doigts, monte jusqu'au coude ; il n'y a plus trace de courroie. Dans les deux cas, le ceste est loin de nuire à la grâce de l'enfant qui en est armé.