Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/470

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dans ses intentions, le héros pliant sous le poids du ciel, n’eût eu aucun moyen de contraindre le géant à reprendre sa place. Que fit Héraclès ? Il feignit de vouloir un coussin pour ses épaules. Atlas, au lieu d’aller le chercher lui- même, reprit son fardeau pour ne plus le quitter. Sur le coffre de Cypsélos(1), Atlas portant le ciel, tenait les pommes dans ses mains ; un héros, Héraclès, s’approchait, levant une épée nue ; une légende ironique accompagnait cette représentation :


Atlas que voici soutient le ciel ; mais pour les pommes il les lächera.

On peut supposer d’après ce vers grec, qu’Atlas comptait garder les pommes comme un gage, jusqu’au retour d’Héraclès, Philostrate ne suit pas celte tradition ; il supprime tout lien entre la fable d’Allas et celle des Hespérides ; il suppose qu’Héraclès se substitua au Titan, uniquement pour éprouver la résistance de ses épaules.

Dans notre tableau, Héraclès n’a point encore, comme sur plusieurs monu- ments figurés pris la place d’Atlas (2) ; le Titan à un genou en terre ; son dos plie sous le poids. C’est l’attitude de la statue connue sous le nom de l’Atlas Farnèse (3). La sueur ruisselant sur le corps d’Atlas a choqué des commen- tateurs ; on s’est étonné qu’un peintre antique ait essayé de rendre un détail d’une réalité si vulgaire ; mais outre que l’antiquité n’avait pas à ce sujet les mêmes répugnances que nous autres modernes, il se pourrait faire que le sophiste eût vu ou feint de voir plus que l’artiste n’avait représenté ; d’une statue qui paraît vivante, on dit : elle parle, elle marche ; pourquoi d’une figure exprimant la fatigue, ne dirait-on pas qu’elle est comme baignée de sueur ? Pline s’exprime ainsi au sujet de Parrhasius (4) : « Il y a encore de lui deux tableaux célèbres : l’un représente un coureur armé, disputant le prix de la course : on croit le voir swer ; l’autre un coureur déposant ses armes : on croit le voir haleter. » Une épigramme de l’Anthologie sur Thésée et le tau- reau de Marathon est ainsi conçue : « Tel est le talent de l’auteur de ce bronze que la bète semble respirer et l’homme être couvert de sueur (5). » Philostrate,

{1) Pausan., V, 18, 4.

(2) Par exemple sur la métope découverte le 19 avril 1816, dans les fouilles d’Olympie, Héraclès supporte la voûte céleste ; Atlas lui apporte les pommes des Hespérides. Pausanias par une méprise que la hauteur du bas-relief explique, a pris dans sa description, Atlas pour Héraclès, et ce dernier pour Atlas (V. 10, 9). Le ciel ne pèse pas directement sur les épaules d’Héraclès ; du moins le fardeau qu’il supporte ressemble à un coussin. Si la légende a raconté qu’Héra- clès avait rendu le fardeau à Atlas, sous prétexte d’aller chercher un coussin, elle a bien pu imaginer aussi que le dieu avait eu tout d’abord recours à cet adoucissement ; Héraclès était aussi fort qu’Atlas ; mais ses épaules, faute d’habitude, n’étaient pas aussi endurcies (Cf. Die Ausgrabungen von Olympia, vol. 1, pl. XXVI).

(G) Voir le mot Atlas dans le Diet. d’antig. de Daremberg et Saglio. L’article de M. Vinet nous dispense de renvoyer aux ouvrages spéciaux.

() Pline, H. N., XXXV, 48.

(5) Anth. pal., IV, 105.