Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/484

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
Commentaire.


Le sujet de ce tableau est emprunté à Euripide. Dans la tragédie, le héros après avoir tué Lyeus qui s'était emparé de Thèbes et méditait le massacre de la famille d'Héraclès, est saisi de fureur au milieu du sacrifice qu'il offrait aux dieux pour le remercier de la victoire et purifier sa maison, Il veut tuer Eurysthée après Lycus ; il se croit à Mycènes; son père, sa femme, ses fils, il les prend pour le père, la femme et les fils d'Eurysthée. « Les enfants, saisis de frayeur, s’enfuient et cherchent un refuge, l’un sous le voile de sa mère, l'autre derrière une colonne, un autre, comme l'oiseau timide, près de l'autel. La mère s'écrie : « Malheureux père, que fais-tu ? Tu vas tuer tes enfants. » Le même cri est poussé par le vieillard et par la foule des serviteurs. Pour lui, il poursuit un enfant autour de la colonne, gagne sur lui de vitesse et s'arrêtant en face de lui, d’un trait il lui perce le foie. L'enfant tombe à la renverse, et en expirant arrose le marbre de son sang. Hercule pousse un cri de joie, et d'une voix triomphante: « Voilà, dit-il, un des fils d'Eurysthée étendu mort à mes pieds ; son trépas me venge de la haine de son père.» Alors il tend son arc contre celui des enfants qui, tapi contre l'autel, se croyait à l'abri. L'infortuné s’élance d’abord aux genoux de son père, lève une main suppliante vers son menton et son cou : « Mon père chéri, s'écrie- t-il, ne me tue pas ; je suis à toi ; je suis ton fils; ce n’est pas le fils d'Eurys- thée que tu vas frapper. » Hercule roulait les yeux farouches d'une gorgone ; et comme l'enfant se tenaiten decà de l'arc, il lève sa massue au-dessus de sa ète, comme un forgeron qui bat Le fer, la laisse retomber sur la tête blonde de l'enfant et lui brise le crâne. Deux de ses fils tués, il s'apprête à faire une troisième victime ; mais la malheureuse mère le prévient et emporte son en- fant dans l'intérieur de la maison où elle s'enferme. Lui, se croyant alors sous les murs des Cyclopes, sape, ébranle les portes, en fait sauter les bat- Lants et d’un même coup abat sa femme avec son fils. Alors il s'élançait pour immoler son vieux père lorsque, visible à tous les yeux, apparut Pallas, brandissant dans sa main une lance armée d'un fer pointu, D'une pierre lancée contre la poitrine d'Hercule, elle arrêta le héros prêt à commettre cet horrible forfait, et elle le plongea dans un sommeil profond. Il tomba sur le sol, heurtant del'épaule une colonne qui s'était brisée dans l’écroulement de la maison et gisait renversée sur sa base. Renonçant dès lors à fuir, nous avons aidé le vieillard à attacher à la colonne, afin qu'il ne puisse à son réveil commettre de nouveaux forfaits (4). »

L'artiste avait très heureusement choisi le moment où Héraclès, ayant tué deux de ses enfants, tourne sa fureur contre le troisième et la mère, enfer- més dans l'intérieur de la maison. Il excitait ainsi dans l'âme du spectateur

(1) Hercule furieux, v. 918; trad. Pessonneaux, 1, p. 378.