Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/501

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ses attributs ordinaires et la présence des ailes s’explique ici d’une façon toute naturelle ; d’un côté, Ploutos ne représente pas ici les richesses que produit la terre, mais l’or que le commerce et l’industrie font affluer dans l’île de Rhodes ; d’un autre côté, Ploutos est identifié avec un de ces génies que l’art antique, surtout depuis Alexandre, a tant prodigués, qui personnifient une abstraction, et qui sont toujours ailés. D’ailleurs Philostrate en se croyant obligé d’expliquer pourquoi Ploutos est ailé, semble prouver qu’il connaissait des représentations de Ploutos sans ailes.



XVIII

Les Toiles.


Devant une bonne peinture représentant Pénélope à son métier, tu chantes les louanges de l’artiste : voilà bien, dis-tu, une véritable toile : les fils de la chaîne sont bien tendus ; les ornements se voient sous les lisses ; on entend presque le son de la navette ; Pénélope elle-même pleure de vraies larmes, semblables à la neige fondante, selon l’expression d’Homère, et défait son propre ouvrage. Considère maintenant de près le travail d’une araignée ; vois si elle n’est pas meilleure ouvrière que Pénélope et même que les Sères dont les tissus d’une extrême finesse échappent presque à la vue. C’est ici le vestibule d’une maison peu fortunée ; on dirait qu’elle n’a point de maître ; à l’intérieur, on aperçoit une cour déserte ; les colonnes qui se sont affaissées et déjetées ne soutiennent plus rien ; les seuls hôtes sont les araignées ; c’est un animal qui recherche le silence pour tisser sa toile. Vois-les maintenant à l’œuvre ; le fil qu’elles tirent de leur corps, elles le laissent tomber à terre. Le peintre nous les montre descendant et grimpant le long de cette échelle, insectes à la haute volée, comme les appelle Hésiode ; elles tissent dans les angles leurs demeures dont les unes sont tout en surface, les autres sont de forme concave : les premières sont des habitations d’été, les autres offrent un asile commode pendant l’hiver. Autres remarques à l’honneur du peintre : son araignée d’une exécution minutieuse, hérissée et tachetée comme dans la nature, présente à la vue quelque chose de menaçant et de sauvage ; reconnais à ces traits un artiste habile, soucieux de la vérité, et soucieux à ce point qu’il a représenté les fils les plus menus du tissu. Vois en effet : un fil quadruple, servant de câble, est fixé aux angles de la toile ; à ce fil se suspend la toile légère formée de nombreux cercles concentriques ; ces cercles sont réunis depuis le premier et le plus grand jusqu’au plus petit par des fils qui les traversent en droite ligne, ne laissant entre eux d’autre distance que celle qui est entre les cercles. Les ouvrières parcourent