Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/511

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

du candys, désigne-t-il les anaxyrides par leurs ornements les plus habi- tuels au lieu de les désigner par leur nom ; il est à remarquer, en effet, que sur la fameuse mosaïque de Naples, les pantalons seuls sont ornés de brode- ries, et que ces broderies représentent des animaux fantastiques, des griffons aux ailes d’or ou des hippocampes (4).

L’art antique a souvent représenté les costumes orientaux, mais le plus sou- vent sans se piquer d’une exactitude scrupuleuse ; sur ce point, il croit s’être acquitté de sa tâche, dirait-on, quand il a pu réunir assez de traits pour rendre reconnaissable, à première vue, la nationalité de son personnage ; encore ne distingue-t-il souvent qu’entre les barbares et les Grecs, donnant aux premiers toujours à peu près le même costume, qu’ils soient de la Perse ou de la Thrace (2). Toutefois il y a, même à cet égard, une différence entre les monuments d’époque différente ; avec les progrès du temps, l’art s’écarte davantage du style conventionnel ; le vase du Musée de Naples, connu sous le nom de Vase des Perses, nous montre Darius, des courtisans, des doryphores ; on y reconnaît de nombreuses analogies, pour le costume, entre cette peinture et les bas-reliefs découverts en Perse ; toutefois on peut constater aussi des différences notables. La coiffure de Darius, par exemple, est très librement représentée ; elle ressemble beaucoup plus au bonnet phrygien qu’à la tiare (3). Dans la mosaïque de Pompéi, que nous mentionnions plus haut, le souci de l’exactitude, sinon du détail, paraît avoir été porté plus loin. Dans quelle catégorie aurait-il fallu placer, à ce point de vue particulier, le ta- bleau de Thémistocle ? La description du sophiste est trop sommaire pour que nous puissions répondre à cette question avec certitude ; toutefois, si cette peinture avait été exécutée au temps de Philostrate, il est probable que l’ar- tiste, se conformant aux traditions de l’école et au goût contemporain, avait montré pour la couleur locale au moins autant de respect que l’auteur de la mosaïque pompéienne.

Philostrate croit devoir remarquer que tout ce luxe, tout cet appareil n’éblouit pas Thémistocle. Ainsi son héros, Apollonius de Tyane, reçu à la cour du roi de Perse, pousse l’indifférence jusqu’à l’affectation (4). Loin de contempler avec curiosité les merveilles qu’il rencontre sur son passage, il appelle son confident Damis et s’entretient avec lui d’une femme poète et mu- sicienne, élève et compagne de Sappho. Cette espèce de dédain à l’égard des magnificences orien£ales paraît avoir été de tradition chez les Grecs depuis Solon. Est-ce donc le dédain qu’exprimait le visage de Thémistocle ? Non sans doute, c’eût été une faute de la part de l’artiste ; l’homme d’État qui avait su si bien se plier aux usages des Perses, qui avait adoré le roi selon

{1) Roux ainé, Herculanum et Pompéi, V, Ge série, pl. XX ; Museo Borbonico, 8, pl. XXXVI.

(2) Voir l’article Barbares dans le Dict. des Antig. de Daremberg et Saglio ; et le mème ar- tiele par M. Vinet dans le Dict. de l’Académie des Beaux-Arts.

(3) Voir, sur ce vase, l’article de Heydemann dans l’Annal dell Instit., 1873.

(4) Vie d’Apoll., 1, 30.


D 2 a ER

dc mr