Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/510

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interprète ; il s’offre à la colère ou à la clémence du roi ; il raconte une vision divine et un oracle ; le roi renvoie l’audience au lendemain et pendant la nuit s’écrie trois fois : « J’ai Thémistocle l’Athénien. » Le lendemain (Plularque coupe habilement son récit pour ménager l’intérêt), nouvelle entrevue ; les courtisans se méprennent sur les intentions du roi, insultent Thémistocle ; un d’entre eux va jusqu’à dire : « Serpent grec aux couleurs changeantes, c’est le bon génie du roi qui L’a conduit ici. » Mais le roi comble Thémistocle de présents, le rassure, l’invite à parler. Thémistocle répond que la parole humaine ressemble à une tapisserie historiée et figurée ; que toutes deux veulent être développées et que pour les développer il faut du temps ; il demande done un an pour apprendre la langue perse. Ebloui par ces hon- neurs, Plutarque, tout moraliste qu’il est, ne flétrit point la trahison de Thé- mistocle et semble approuver cette parole du proscrit : « 0 mes enfants, nous étions perdus, si nous n’avions élé perdus ! »

Ces deux récits montrent d’abord que l’entrevue de Thémistocle et du grand roi était presque aussi célèbre dans l’antiquité grecque que la bataille de Sala- mine ; ensuite qu’elle avait exercé l’imagination grecque, qu’elle l’avait même séduite, au point de la rendre, pour ainsi dire, complice de Thémistocle. On comprend donc qu’un peintre ait été tenté par un tel sujet ; il était sûr de plaire à des spectateurs grecs ; s’il ne pouvait, comme Plutarque, donner à celle entrevue un intérêt presque dramatique, du moins, il avait pour com- penser ce désavantage, la ressource d’un contraste pittoresque entre une cour resplendissante des plus vives couleurs et un Athénien, vêtu du plus humble costume qui fût porté à Athènes et qui par cela même convenait à un exilé.

C’est bien ce contraste aussi qui a frappé notre auteur. Il nous est aisé, à l’aide de sa description, de nous représenter le costume du roi et de ses courtisans, La tiare droite s’élevait sur la Lète du monarque comme une es- pèce de tour dont le parapet serait dentelé ; les courtisans n’ont que la liare molle, c’est-à-dire un bonnet souple qui s’affaisse légèrement sur lui-même. La calasiris était une tunique de pourpre ornée d’une large bande blanche à l’endroit de la poitrine (1) ; le candys (2) se jetait, comme un manteau, et s’entr’ouvrait pour laisser voir la calasiris. Philostrate ne parle pas des anaxyrides qne les Perses portent d’ordinaire sur les monuments ; peut-être cette partie du vêtement était-elle cachée par la calasiris qui est appelée quel- quefois une tunique tombant jusqu’aux pieds ; peut-être aussi Philostrate, qui parle de figures de bêtes brodées, après avoir fait mention de la calasiris et


(1) Hesych. Sonpos. CE. Kénopb., Cyr., VIN, 3, 13 : yrrdva ropgugoüv peaéleuo.

(2) Cf. Hérod., 2, 81 et la note de l’édit. Creuzer-Baehr ; le candys est comparé au burnous arabe ; mais le burnous arabe ost muni d’un capuchon que n’ont pas les manteaux des person nages royaux de Perse sur les monuments (Porter, Trav. 1, pl. XCIV). Sur les mêmes monu- ments le manteau a des manches, il n’en a pas sur la mosaique de Naples : mais ici lo manteau pourrait être d’une autre sorte que Le candys ; c’était sans doute un vêtement de combat ana- logue à la chlamyde grecque.