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tant que ἄκρατος se dit de la couleur, et qu'on trouve dans les Heroica de Philostrate (IV, 4, p. 702) ὑπέρυθρος καὶ ἕτοιμος τὸ αἷμα. Est-ce pour condamner le premier sens qu'il donne ? Il nous parait cependant avoir raison contre Heyne : ἀκρατος se dit bien de la couleur, mais il faut que le nom de la couleur soit exprimé, comme dans le tableau I, vii : τὸ γὰρ ἀκράτῳ ἐν αὐτῷ μέλαν, et dans Callistr., Stat., IV, ἀκράτῳ τῷ μέλανι. Or, αἷμα, dans Philostrate, n'est pas employé pour désigner la couleur propre au sang, mais bien les qualités morales que l'abondance du sang suppose. Boissonnade traduit les deux mots cités plus haut des Heroica par subrufus et sanguine promptus, Sthénélos n'a pas le sang à fleur de peau, mais il a l'impétuosité de la jeunesse.



XXII. — NARCISSE.


a). Quant à cet antre, c’est celui d’Achéloos et des Nymphes. L’Achéloos, fleuve de l’Epire qui sépare l’Acarnanie de l’Etolie, coule loin de la contrée de Thespie où les poètes et les mythologues placent ordinairement la fable de Narcisse. Philostrate se rappelle le passage du Phédre de Platon (230 b) : « Les statues et les offrandes nous montrent que nous avons devant nous l’antre de quelques nymphes et d’Achéloos. » Comme Socrate qui parle ainsi se trouve sur les bords de l’Ilissus, on peut croire que Platon fait également allusion à un passage de quelque poète, que nous ne connaissons pas. Il s’agirait alors d’un antre semblable à l’antre célèbre et vanté par les poètes d’Acheloos et des Nymphes.

b). Ἀμπέλῳ γοῦν καὶ κιττῷ ἤρπεται καὶ ἕλιξι καλαῖς : mot à mot elle est couronnée (la grotte) de vigne, de lierre, et de beaux hélix. Ἒλιξ désigne en grec tout objet tourné en spirale, les vrilles des plantes grimpantes, par exemple. Il n’est guère admissible cependant que Philostrate, après avoir nommé la vigne et le lierre, finisse sa phrase sans changer la construction, en désignant les vrilles du lierre et de la vigne. Le mot hélix s’applique aussi à une espèce de lierre. Pline (XVI, 62) après avoir distingué le lierre mâle et le lierre femelle, ajoute : « Species horum generum tres : est enim candida, et nigra edera, tertiaque quae vocatur helico. » Nous avons cru que Philostrate avait voulu plutôt désigner cette troisième espèce de lierre que les vrilles du lierre.

c). Ὅθεν οἱ θύρσοι. Jacobs suppose qu’il faut lire, καὶ νάθηκος, ὅθεν οἱ θύρσοι. Peut-être faut-il tout simplement faire rapporter ὅθεν à tous les mots qui précèdent ; le lierre, en effet, et les grappes de raisin servaient, non à faire le thyrse, mais à l’orner.

d). Κηρῷ. C’est la cire ayant servi pour peindre. Les tableaux décrits par Philostrate étaient donc des peintures à l’encaustique. Voir sur ce genre de peinture, Helbig, Wandgemälde, XI, et la discussion au sujet de la célèbre phrase de Pline (XXXV, 149) : « Encausto pingendi duo fuisse antiquitus genera constat ; cera, et in ebore, cestro, id est viriculo ; donec classes pingi coepere ; hoc tertium accessit, resolutis ignis ceris penicillo utendi. »

e). Ἀνασχεῖν τε αὐτὸν. Welcker : « Dextram lumbo inniti ait Philostratus, simul quo illa Narcissum sustentet, quod sine hoc fulcro qui pedem pede premit facile vacillat, simul quo manu fortiter in lumbum dextrum pressa, nates, quas pro praecipua venustatis parte habet, in alteram partem compactae appareant. » Nous avouons ne rien comprendre à cette explication de Welcker ; d’abord il n’est pas dit que Narcisse a un pied sur l’autre ; en outre, la pression de la main sur la hanche ne saurait en aucune façon soutenir Narcisse qui, d’ailleurs, n’a pas besoin d’être soutenu, puisqu’il s’appuie sur un épieu, avec la main gauche ; enfin ce n’est pas en appuyant, même fortement, la main droite sur le flanc droit, que la hanche peut