Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/550

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faire à gauche une forte saillie. Nous croyons que le texte de Philostrate a été mal ponctué ; les mots ἡ δεξιὰ δὲ περιῆκται ἐς τὸ ἰσχίον, forment comme une parenthèse ; après avoir dit que Narcisse tient un épieu dans sa main gauche, Philostrate ajoute que c’est afin de se soutenir et faire saillir la hanche gauche ; aucune attitude n’est plus naturelle ; c’est celle d’un très grand nombre de statues.

f). Δεικνύει δὲ ἡ χεὶρ ἀέρα μέν. Le bras montre l’air, nous avons traduit : on aperçoit l’air entre le corps et le bras. Mais nous conservons des doutes sur la correction du texte. La phrase signifie mot à mot : le bras montre l’air, là où le coude s’infléchit, et une ride, là où le poignet se retourne. La ride ou pli du poignet serait donc opposée à l’air : les deux mots ne sont pas du même ordre ! Ne faut-il pas supposer à la place de ἀέρα un mot désignant une partie du corps, une partie du coude ? Si les manuscrits n’étaient pas tous d’accord pour donner cet incompréhensible ἀέρα, nous aurions volontiers proposé ἄρθρα, l’articulation.

g). Λοξαὶ δ' ἀκτῖνες. Le dos de la main repose sur la hanche qui reçoit la principale lumière ; l’ombre dans laquelle se trouve la paume de la main est produite par les doigts qui, en s’écartant, laissent passer des rayons de lumière ; de là l’expression de αἱ ἀκτῖνες σκίας, les rayons de l’ombre, c’est-à-dire les lignes obscures séparées par des lignes de lumière. Ces lignes obscures étaient naturellement obliques, attendu que les doigts qui se ferment s’infléchissent du côté du pouce. Comparez avec cette expression d’ἀκτῖνες, le vers de La Fontaine :

Les derniers traits de l’ombre empêchent qu’il ne voie
Le filet.

(VIII, 22, Le Chat et le Rat.)



XXIII. — HYACINTHE.


a). Καὶ μή σε λειμὼν ἀναβάλῃ τοῦτο' καὶ γὰρ ἔνταυθα ἐκπέφυκεν, ὅποια τῆς γῆς ἄνεχε. C’est Welcker qui a donné la véritable explication de cette phrase. Voici sans doute la pensée de l’auteur : ayant dit que l’hyacinthe était née du sang d’Hyacinthe, il s’aperçoit qu’on pourrait douter de cette origine, en voyant toute une prairie parsemée de fleurs diverses. Mais il observe que cette fleur n’a pas alors la teinte qu'elle aura plus tard ; c’est le sol qui l’a produite, mais c'est le sang du jeune homme qui l’a colorée, et qui a fait d’elle une véritable hyacinthe ; explication subtile peut-être, mais qui ne l’est pas plus que beaucoup d’autres explications données par la mythologie antique.

b). La borne même du jeu, βαλβίς, etc. — Ici encore, pour l’explication de tout ce passage, c'est Welcker que nous suivons. La principale difficulté porte sur κουφιζόμενος θάτερον τοῖν σκελοῖν. Welcker a bien compris que les deux jambes étaient sur la même levée, seulement que l'une n'y posait que par les doigts du pied ; κουφιζόμενος qui signifie au propre allégeant prend le sens de supportant à peine, soutenant le poids léger d’un pied à peine posé.

c). Τὸ μὲν κεῖται ἐπ' αὐτοῦ γε τοῦ δίσκου. — Tel est le texte de Kayser, ce qui signifierait : Il est couché en partie sur le disque, en partie (τὸ δὲ, etc.) et il y aurait une lacune. Jacobs proposait de lire : τὸ μὲν κεῖται καὶ ἐπ' αὐτῷ τὸ τοῦ δίσκου, il est couché, et sur lui est posé le disque qui l’a tué. Toutes ces suppositions nous paraissent inutiles. Philostrate dit : le disque est venu frapper le jeune homme ; celui-ci (τὸ μὲν) est tombé, et tombé sur le disque qui l’a frappé. Il devrait y avoir régulièrement ὁ δὲ pour répondre à τὸ μὲν ; mais la construction de la phrase, amenant δίσκου au génitif, a dispensé l’auteur de recourir à cette locution.