Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/125

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qui pour avoir eu plus d’amour qu’un cœur n’estoit capable d’en concevoir, voulut mourir plustost que d’en diminuer.

Amasis appellant alors Silvie, luy demanda de quelle si grande cruauté elle avoitpeu user contre Aristrandre, qui l’eut conduit à ceste extremité. La nymphe rougissant luy respodit, qu’elle ne sçavoit dequoy il se pouvoit plaindre. Je veux, luy dit-elle, que vous receviez Guyemants en sa place. alors l’appellant devant tous, elle luy demanda s’il vouloit observer l’intention de son frere. Il respondit qu’ouy, pourveu qu’elle ne fut point contraire à son affection. Je prie ceste nymphe, dit alors Amasis, de vous recevoir en sa place, et que vous ayez meilleure fortune que luy. De vous recevoir, je le luy commande ; pour la fortune dont il parle, ce n’est jamais la priere ny le commandement d’autruy, qui la peut faire, mais le propre merite, ou la fortune mesme. Guyemants apres avoir baisé la robbe à Amasis, en vint faire de mesme à la main de silvie, en signe de servitude ; mais elle estoit si piquée contre luy, des reproches qu’il luy avoit faits, et de la declaration de son affection, que sans le commandement d’Amasis, elle le l’eust jamais permis.

On commençoit à se retirer, quand Cliaman, qui revenoit de la chasse, fut adverty de ce nouveau serviteur de sa serviteur de sa maistresse, dequoy il fit ses plaintes si haut, qu’Amasis et Guyemants les ouyrent. Et parce qu’il ne sçavoit d’où cela procedoit, elle le luy declara. Et à peine avoit-elle parachevé, que Clidaman reprenant la parole, se plaignit qu’elle eust permis une chose tant à son desavantage, que c’estoit revoquer ses ordonnances, que le destin la luy avoit esleue, que nul ne la luy sçauroit ravir sans la vie : paroles qu’il proferoit avec affection et vehemence, parce qu’à bon escient il aimoit Silvie. Mais Guyemants, qui outre sa nouvelle amour avoit une si