Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/218

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ame, avec toutes les passions qui ont accoustumé de l’accompagner, et en vous une bonne volonté, qui vous faisoit agréer d’avantage son affection, et ses services que de tout autre. La premiere fois qu’à bon escient il vous en fit ouverture, fut quand Amasis s’allant promener dans ses beaux jardins de Mont-brison il vous prit sous le bras, et apres avoir demeuré quelque temps sans parler, il vous dit tout à coup : En fin, belle nymphe, il ne sert de rien que je dispute en moy-mesme, si je dois, ou si je ne dois pas vous declarer ce que j’ay dans l’ame ; car le dissimuler est peut-estre recevable en ce qui quelquesfois peut estre changé, mais ce qui me contraint de parler à ceste heure, m’accompagnera jusques au delà du tombeau.

Icy je m’arrestay, et luy dis : Voulez-vous, Leonide, que je redie les mesmes paroles que vous luy respondites ? – Sans mentir, luy dit alors Polemas, vous vous mettiez en un grand hazard d’estre descouvert. – Nullement, respondit Climanthe, et pour vous rendre preuve de la perfection de ma memoire, je vous diray les mesmes paroles. – Mais, repliqua Polemas, si moy-mesme m’estois oublié à les vous dire ? – O, adjousta Climanthe, je ne doute pas que cela ne soit ; mais tant y a que le sujet des paroles estoit celuy que vous m’avez dit, et elle mesme ne sçauroit se ressouvenir des mesmes mots, de sorte qu’avec l’opinion que ce soit un dieu qui me les ait dits, sans doute elle eust creu, que c’es- toient ceux-là mesmes. Que si vous n’eussiez esté si familier avec elle, comme vostre secrette affection vous avoit rendu, je ne l’eusse pas si aisément entrepris. Mais, me ressouvenant que vous m’aviez dit, que vous l’aviez servie fort longuement, et que ce service avoit esté tousjours bien receu, jusques à ce que vous aviez changé d’affection, et que vous estiez devenu serviteur de Galathée, et mesmes que cela estoit cause que pour vous