le vous die autrement. Et à fin que vous cognoissiez, que le dieu ne m’est point chiche de ses graces, et qu’il me parle familierement, je vous veux dire des choses qui vous sont advenues, par lesquelles vous jugerez combien je sçay. En premier lieu, belles nymphes, vous sçavez bien que je ne vous vy jamais, et toutesfois, à l’abord, je vous ay toutes nommées par vos noms : ce que j’ay fait, parce que je veux bien que vous me croyez plus sçavant que le commun, non pas à fin que la gloire m’en revienne, ce seroit trop de presomption, mais à la divinité que je sers en ce lieu. Or il faut que vous croyez que tout ce que je vous diray, je l’ay appris du mesme maistre.
Et certes en cela je ne mentois pas, car c’estoit vous, Polemas, qui me l’aviez dit. Mais parce, continuay-je, que les particularitez rendront peut-estre mon discours plus long, il ne seroit point hors de propos que nous nous missions sous ces arbres voisins. A ce mot nous y allasmes, et lors je recommençay ainsi. – Vrayement, interrompit Polemas, vous ne pouviez conduire avec plus d’artifice ce commencement. – Vous jugerez, respondit Climanthe, que la continuation ne fut point avec moins de prudence. Je pris donc la parole de ceste sorte :
Belle nymphe, il peut y avoir trois ans, que le gentil Agis, en pleine assemblée, vous fut donné pour serviteur. A ce commencement, vous vous fustes indifferens, car jusques alors la jeunesse de l’un et de l’autre estoit cause que vos cœurs n’estoient capables des passions que l’amour conçoit. Mais, depuis ce temps, vostre beauté en luy, et sa recherche en vous, commencerent d’esveiller peu à peu ces feux, dont nature met les premieres estincelles en nous dés l’heure que nous naissons ; de sorte que ce qui vous estoit indifferent, devint paticulier en tous deux, et l’amour en fin se forma, et nasquit en son