Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/305

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ennuyeux, si je n’abregeois toutes nos petites querelles. Tant y a que Callirée ayant sceu comme toutes choses estoient passées, quelquefois les tournant en gausserie, d’autres fois cherchant des apparences de raison, sceut de sorte de servir de son bien dire, estant mesme aidée de Daphnis, qu’en fin je consentis au sejour de Filandre, jusqu’à ce que les cheveux fussent revenus à sa sœur, cognoissant bien que ce seroit la ruiner et moy aussi, si je precipitois d’avantage son retour. Et il advint [comme elle avoit fort bien prevu] que durant le temps que ce poil demeura à croistre, l’ordinaire conversation du berger, qui en fin ne m’estoit point desagreable, et la cognoissance de la grandeur de son affection, commencerent à me flatter de sorte, que de moy-mesme j’excusois sa tromperie, considerant de plus le respect et la prudence dont il s’y estoit conduit. Si bien qu’avant qu’il peust partir, il obtint ceste declaration qu’il avoit tant desirée, à sçavoir que oubliois sa tromperie, et que ne sortant point des termes de son devoir, j’aimerois sa bonne volonté, et la cherirois pour son merite, ainsi que je devrois. La cognoissance qu’il me donna de son contentement, ayant ceste asseurance de moy, me rendit bien aussi asseurée de son affection, que peu auparavant son desplaisir m’en avoit fait certaine, car il fut tel qu’à peine le pouvoit-il dissimuler.

Cependant que nous estions en ces termes, Filidas, de qui l’amour s’alloit tousjours augmentant, ne peut en couvrir d’avantage la grandeur, de sorte qu’elle resolut de tenter tout à fait le dissimulé Filandre. Avec ce dessein, la trouvant à propos un jour qu’elles se promenoient ensemble dans une touffe d’arbres, qui fait l’un des quarrez du jardin, elle luy parla de ceste sorte, apres avoir esté longuement