Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/306

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interditte : Et bien, Filandre, sera-t’il vray que quelque amitié que je vous puisse faire paroistre, je ne sois point assez heureux pour estre aimé de vous ? Callirée luy respondit : Je ne sçay, Filidas, quelle plus grande amitié vous me demandez, ny comment je vous en puis rendre d’avantage, si vous mesme ne m’en donnez les moyens. – Ah ! dit-elle, si vostre volonté estoit telle que la mienne la desire, je le pourrois bien faire. – Jusqu’à ce que vous m’ayez esprouvée, dit Callirée, pourquoy voulez-vous douter de moy ?– Ne sçavez-vous pas, dit Filidas, que l’extreme desir est tousjours suivy de doute ? jurez-moy que vous ne me manquerez point d’amitié, et je vous declarerai peut-estre chose dont vous serez bien estonnée.

Callirée fut un peu surprise, ne sçachant ce qu’elle vouloit dire ; toutesfois, pour en sçavoir la conclusion, elle luy respondit : Je le vous jure, Filidas, tout ainsi que vous me le demandez, et de plus que je ne pourray jamais vous rendre tesmoignage de bonne volonté que je ne le fasse. A ce mot, pour remerciement, et presque par transport, Filidas la prenant par la teste, la baisa avec tant de vehemence, que Callirée en rougit, et la repoussant tout en colere, luy demanda quelle façon estoit celle-là. – Je sçay, respondit alors Filidas, que ce baiser vous estonne, et que mes actions jusques icy vous auront peut-estre fait soupçonner quelque chose d’estrange en moy ; mais si vous voulez avoir la patience de m’escouter, je m’asseure que vous en aurez plustost pitié que mauvais opinion. Et lors reprenant du commencement jusques au bout, elle luy fit entendre le procez qui avoit esté entre Phormion et Celion nos peres, l’accord qui fut fait pour l’assoupir, et en fin l’artifice de son pere à la faire eslever comme un homme, encor qu’elle fust fille. Bref nostre mariage, et