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Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/314

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donne à vous, et qu’elle vous reçoit et de cœur et d’ame pour son mary. Et, en disant ces mots, je le baisay. Et moy, me dit-il, je vous reçoy, ma belle maistresse, me donne à vous pour jamais, tres-heureux et content d’emporter ce glorieux nom de mary Diane. Helas ! ce mot de Diane fut le dernier qu’il profera ; car, m’ayant les bras au col, et me tirant à luy pour me baiser, il expira, laissant ainsi son esprit sur mes levres.

Quelle je devins, le voyant mort, jugez-le, belles bergeres, puis que veritablement je l’aimois. Je tombay abouchées sur luy, sans pouls, et sans sentiment, et de telle sorte esvanouie, que je fus emportée chez moy, sans que je revinisse. O Dieux ! que j’ay ressenti vivement cette perte, et recogneu plus que veritable ce que tant de fois il m’avoit predit, que je l’aimerois d’avantage apres sa morte que durant sa vie. Car j’ay despuis conservé si vive sa memoire en mon ame, qu’il me semble qu’à toute heure je l’ay devant mes yeux, et que sans cesse il me dit, que pour n’estre ingrate il faut que je l’aime. Aussi, fais-je, ô belle ame, et avec la plus entiere affection qu’il se peut, et si où tu es, on a quelque cognoissance de ce qui se fait çà bas, reçoy, ô cher amy, ceste volonté, et ces larmes que je t’offre pour tesmoignage, que Diane aimera jusques au cercueil son cher Filandre.


LE SEPTIESME LIVRE
DE LA PREMIERE
Partie d'Astrée


Astrée, pour interrompre les tristes paroles de Diane : Mais, belle bergere, luy dit- elle, qui estoit ce miserable, qui fut cause d’un si grand desastre ? –