Aller au contenu

Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/342

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

my-chemin, resolus de mourir plustost que de le porter plus outre, dont Tircis adverty, apres leur avoir fait deplus grandes offres enores, et vayant qu’ils n’y vouloient point entendre : Et quoy, dit-il tout haut, as-tu donc esperé que l’affection du gain peust d’avantage en eux, que la tienne en toy ? Ah ! Tircis, c’est trop offenser la grandeur de ton amitié. Il dit, et comme transporté s’en courut sur le lieu où estoit le corps, et quoy qu’il eust demeuré trois jours enterré, et que la puanteur en fust extresme, si le prit-il entre ses bras, et l’emporta jusques en la tombe de la mere, qui avoit desja esté ouverte. Et apres un si bel acte, et un si grand tesmoignage des son affection, se retirant hors de la ville, il demeura quarante nuicts séparé de chacun.

Or toutes ces choses me furent incogneuses, car une de mes tantes ayant esté malade d’un semblable mal, presques en mesme temps, nous n’avions point de frequentation avec personne, et le jour mesme qu’il revint, j’estois aussi revenue, et ayant seulement entendu la mort de Cleon, je m’en allay chez luy pour en sçavoir les particularitez. Mais arrivant à la porte de sa chambre, je mis l’œil à l’ouverture de la serrure, parce qu’en m’en approchant, il me sembla de l’avoir ouy souspirer, et je n’estois point trompée, car je les veis sur le lict, les yeux tournez contre le ciel, les mains jointes ; et le visage couvert de larmes. Si je fus estonnée, gentil bergere, jugez-le, car je ne pensois point qu’il l’aimast, et venois en partie pour me resjouir avec luy. En fin apres l’avoir consideré quelque temps, et avec un souspir qui sembloit luy mespartir l’estomach, je luy ouys proferer telles paroles.