Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de les revoquer : vous souvient-il point que quand il revint d’Italie, ce fut une de vos premieres ordonnances, et que dedans ce rocher, où depuis si souvent je vous veis ensemble, il vous requit de luy ordonner’ de mourir, plus tost que de feindre d’en aymer une autre ? Mon : Astrée, vous dis-il [je me ressouviendray toute ma vie des mesmes paroles] ce n’est point pour refuser, mais pour ne pouvoir observer ce commandement, que je me jette à vos pieds, et vous supplie que pour tirer preuve de ce que vous pouvez sur moy, vous me commandiez de mourir, et non point de servir, comme que ce soit, autre qu’Astrée. Et vous luy respondites : Mon fils, je veux ceste preuve de vostre amitié, et non point vostre mort, qui ne peut estre sans la mienne ; car, outre que je sçay que celle cy vous est la plus difficile, encore nous rapportera-t’elle une commodité, que nous devons principalement rechercher, qui est de clorre et les yeux et la bouche aux plus curieux et aux plus medisans. S’il vous repliqua plusieurs fois, et s’il en fit tous les refus que l’obeissance [à quoy son affection l’obligeoit envers vous] luy pouvoit permettre, je m’en remets à vous-mesme, si vous voulez vous en ressouvenir ; tant y a que je ne croy point qu’il vous ait jamais desobey, que pour ce seul sujet. Et à la verité ce luy estoit une contrainte si grande, que toutes les fois qu’il revenoit du lieu, où il estoit force de feindre, il falloit qu’il se mit sur un lict, comme revenan’t de faire un tres grand effort.

Et lors, il s’arresta pour quelque temps, et puis il reprit ainsi. Or sus, Astrée, mon frere est mort. C’en est fait, quoy que vous en croyez, ou mecroyez, ne luy pent r’apporter bien, ny mal, de sorte que vous ne devez plus penser que je vous en parle en sà consideration, mais pour la seule vérité. Toutefois ayez-en telle croyance qu’il vous plaira: si vous jureray-je