Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/432

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faire, y alloit sans contrainte, et cela rendoit ses actions plus agreables ; ce que ne faisoit pas Polemas, qui avoit un dessein caché, où il falloit qu’il usast d’artifice, de sorte qu’il luy servoit presque de lustre. Et mesmes, le dernier des Bacchanales, que le jeune Clidaman fit un tournoy, pour soustenir la beauté de Silvie, Guiemants et Lindamor firent tout ce que des hommes pouvoient faire : mais entre tous, Lindamor y eut tant de grace et tant de bon-heur, que quand Galathée n’en eust point esté le juge, Amour toutesfois eust donné l’arrest contre Polemas. La nymphe qui commençoit d’avoir des yeux aussi bien pour le reste des hommes, que jusques alors elle n’en avoit eu que pour Polemas, ne peut s’empescher de dire beaucoup de choses à l’advantage de Lindamor.

Et voyez comme l’Amour se joue et se mocque de la prudence des amants ! Ce que Polemas avec tant de soing et d’artifice, va recherchant pour s’avantager par dessus Lindamor, luy nuit le plus, et le rend presque son inferieur ; car chacun faisant comparaison des actions de l’un et de l’autre, y trouvoit tant de difference, qu’il eust mieux valu pour luy, ou de n’y point assister, ou qu’il s’en fust declaré ennemy tout à fait. Ce fut ce soir mesme que Lindamor, poussé de son bon demon [je croy quant à moy, qu’il y a des jours heureux et d’autres malheureux] se declara à bon escient serviteur de la belle Galathée. Mais l’occasion aussi luy fut toute telle qu’il eust sceu desirer ; car dansant ce bal, que les Francs ont nouvellement apporté de Germanie, auquel l’on va dérobant celle que l’on veut, conduit d’amour, mais beaucoup plus poussé à ce que je croy du destin, il desroba Galathée à Polemas, qui plus attentif à son discours qu’au bal, n’y prenoit pas grade, et alloit à l’heure mesme reprochant à la nymphe la naissante amitié qu’il prevoyoit de Lindamour. Elle