Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/458

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chacun le jugeoit ce qu’il estoit en effet. Et parce qu’à la porte de la ville, le herault avoit demandé d’estre conduit devant Amasis, chacun comme curieux d’ouyr chose nouvelle, les alloit accompagnant. Estans montez au chasteau, la garde de la ville les remit à celle de la porte. Et apres en avoir donné advis à Amasis, ils furent conduits vers elle qui desja avoit fait venir Clidaman pour donner audience à ces estrangers. Le herault, apres que le chevalier eut baisé la robbe à Amasis, et les mains à son fils, dit ainsi, avec des paroles à moitié estrangeres : Madame, ce chevalier que voicy, nay des plus grands de sa contrée, ayant sceu qu’en vostre cour tout homme d’honneur peut librement demander raison de ceux qui l’ont offensé, vient sous ceste asseurance se jetter à vos pieds, et vous supplier que la justice que jamais vous ne desniastes à personne, luy permette en vostre presence, et de toutes ces belles nymphes, de tirer raison de celuy qui luy a fait injure, avec les moyens accoustumez aux personnes nées comme luy.

Amasis , apres avoir quelque temps pensé en elle mesme, en fin respondit : Qu’il estoit bien vray que ceste sorte de deffendre son honneur, de tout temps avoit esté accoustumée en sa cour, mais qu’elle estant femme ne permettroit jamais qu’on en vinst aux armes. Que toutesfois son fils estoit en aage de manier de plus grandes affaires que celles-là, et qu’elle s’en remettoit à ce qu’il en feroit. Clidaman, sans attendre que le herault repliquast, s’adressant à Amasis, luy dit : Madame, ce n’est pas seulement pour estre servie et honorée de tous ceux qui habitent ceste province, que les dieux vous en ont establie dame et vos devanciers aussi, mais beaucoup plus pour faire punir ceux qui ont failly, et pour honorer ceux qui le meritent. Le meilleur moyen de tous est celuy