pourroit la voir quelquefois à ceste mesme heure et en ce mesme lieu.
Mais que sert-il de particulariser toute chose ? Lindamor retourna où ceux qui estoient à luy l’attendoient, et de là en diligence alla où Clidaman pensoit qu’il fust, et par les chemins bastit mille prudentes excuses de son sejour, tantost accusant les incommoditez des montagnes, et tantost d’une maladie qui encor paroissoit à son visage, à cause de ses blesseures. Et luy semblant que tout ce qui l’esloignoit de sa dame, n’estoit pas affaire qui meritast plus long sejour, il revint, avec permission d’Amasis et de Clidaman, en Forests, où estant arrivé et ayant rendu bon conte de sa charge, il fut honoré et caressé comme sa vertu le meritoit. Mais tout cela ne luy touchoit point au cœur, au prix du bon accueil qu’il recevoit de la nymphe, qui depuis son dernier depart avoit accreu de sorte sa bonne volonté, que je ne sçay si Lindamor avoit occasion de se dire plus amant qu’aimé.
Ceste recherche passa si outre, qu’un soir estant dans le jardin, il la pressa plusieurs fois de luy permettre qu’il la demandast à Amasis, qu’il s’asseuroit avoir rendu tant de bons services et à elle, et à son fils , qu’ils ne luy refuseroient point ceste grace. Elle luy respondit : Vous devez douter de leur volonté plus que de vos merites, et devez estre moins asseuré de vos merites que de ma bonne volonté. Toutesfois je ne veux point que vous leur en parliez, que Clidaman ne se marie ; je suis plus jeune que luy, je puis bien attendre autant. – Ouy bien vous, respondit-il incontinent, mais non pas la violence de ma passion. Pour le moins, si vous ne me voulez accorder ce remede, donnez m’en un qui ne peut vous nuire, si vostre volonté est telle que vous me dites. – Si je le puis, dit-elle, sans m’offenser, je le vous promets. Apres luy avoir baisé la main : Madame, luy dit-il, vous m’avez