Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/49

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te responde là dessus, sinon qu’il y a long temps que je vay pleurant ce mal-heur, mais beaucoup plus en ma consideration qu’en la tienne. – Je n’en doute point, dit Hylas, mais puis que vous estes de ceste humeur, et que je puis plus sur moy, que vous ne pouvez sur vous, touchez là, bergere, dit-il luy tendant la main, ou donnez moy conge, ou recevez-le de moy, et croyez qu’aussi bien, si vous ne le faites, je ne laisseray pas de me retirer, ayant trop de honte de servir une si pauvre maistresse.

Elle luy respondit assez froidement : Ny toy, ny moy, n’y ferons pas grand’perte. Pour le moins je t’asseure bien que celle-là ne me fera jamais oublier le mauvais traitement que je reçois de ce berger. – Si vous aviez, luy respondit-il, autant de cognoissance de ce que vous perdez en me perdant que vous monstrez peu de raison en la poursuite que vous faites, vous me plaindriez plus que vous ne souhaittez l’affection de Tyrcis ; mais le regret que vous aurez de moy sera bien petit, s’il n’esgale celuy que j’ay pour vous. Et lors il chanta tels vers en s’en allant :


Sonnet


Puis qu’il faut arracher la prof onde racine,
Qu’amour en vous voyant nie planta dans le cœur,
Et que tanz de desirs avec tant de langueur,
Ont si soigneusement nourrie en ma poitrine :

Puis qu’il faut que le temps qui vid son origine,
 Triomphe de sa fin, et s’en nomme vainqueur,
Faisons un beau dessein, et sans vivre en langueur,
Ostons en tout d’un coup, et l’espine.

Chassons tous ces desirs, esteignons tous ces feux,
Rompons tous ces liens, serrez de tant de nœuds,
Et prenons de nous-mesme un congé volontaire.

Nous le vaincrons ainsi, cest Amour indompté,
Et ferons sagement de nostre