Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

volonté
Ce que le temps en fin nous forceroit de faire.

Si ce berger fust venu en ce pays, en une saison moins fascheuse, il y eut trouvé sans doute plus d’amis, mais l’ennuy de Celadon, dont la perte estoit encores si nouvelle, rendoit si tristes tous ceux de ce rivage, qu’ils ne se pouvoient arrester à telles gaillardises. C’est pourquoy ils le laisserent aller, sans avoir curiosité de luy demander, ny à Tyrcis aussi, quel estoit le sujet qui les conduisoit ; et quelques uns retournerent en leurs cabanes, et quelques autres continuant de rechercher Celadon, passerent qui decà, qui delà la riviere, sans laisser jusques à Loire ny arbre, ni buisson, dont ils ne descouvrissent les cachettes. Toutesfois ce fut en vain, car ils ne sceurent jamais en trouver d’autres nouvelles ; seulement Silvandre rencontra Polemas tout seul, non point loin du lieu, où peu auparavant Galathée et les autres Nymphes avoient pris Celadon. Et parce qu’il commandoit à toute la contrée sous l’authorité de la Nymphe Amasis, le berger, qui l’avoit plusieurs fois veu à Marsilly, luy rendit en le saluant tout l’honneur qu’il luy fut possible. Et d’autant qu’il s’enquit de ce qu’il alloit cherchant le long du rivage, il luy dit la perte de Celadon, dequoy Polemas fut marry, ayant tousjours aimé ceus de sa famille.

D’autre coste, Lycidas qui se promenoit avec Phillis, apres avoir quelque temps demeure muet, enfin se tournant vers elle : Et bien, belle bergere, luy dit-il, que vous semble de l’humeur de vostre compagne ? Elle qui ne sçavoit encore la jalousie d’Astree, luy respondit, que c’estoit le moindre deplaisir qu’elle en devoit avoir, et qu’en un si grand ennuy, il luy devoit bien estre permis d’esloigner, et fuir toute compagnie ; car Phillis pensoit qu’il se plaignoit, de ce qu’elle s’en estoit alle seule. Ouy certes, répliqua Lycidas, c’est le moindre, mais aussy croy-je qu’en